«Ça vient remplir mon côté spirituel»: sur TikTok, des femmes font des milliards de vues en parlant de sortilèges et en vendant des fioles

Axel Tardieu
Des femmes monétisent leurs pratiques ésotériques en ligne, malgré les mises en garde des autorités sanitaires. Ce phénomène observé sur les réseaux sociaux devient de plus en plus populaire au Québec.
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Annie Bernard, propriétaire de Re-Up Créations, située à Terrebonne, incarne cette nouvelle génération de «sorcières» qui font carrière.
Dans sa boutique physique et en ligne, elle vend des articles ésotériques pouvant coûter jusqu’à 100$. Son chiffre d’affaires devrait dépasser les 30 000$ cette année.
«Je suis sorcière depuis que j’ai 10 ans», affirme la femme de 45 ans.
Elle reconnaît toutefois ses limites.
«Je ne peux pas guérir un cancer, dit-elle. Mais je peux lui faire un sort en bouteille pour atténuer son angoisse, atténuer ses douleurs et aider avec l’acceptation de la maladie.»

Le mot-clé #witchtok a déjà été utilisé plus de huit millions de fois sur TikTok, générant des milliards de vues.
Santé Canada rappelle toutefois que les conseils de santé prodigués par ces praticiennes en ligne doivent être pris avec une extrême prudence et qu’ils ne peuvent remplacer l’avis d’un professionnel de santé qualifié.
Cette tendance ne s’observe pas que sur TikTok ou Instagram. On trouve sur la boutique Etsy des trousses pour «démarrer sa carrière de sorcière» à 56$, des sorts d’amour à 187$ et diverses potions de protection.
Au Québec, les marchés artisanaux spécialisés se multiplient. Le marché Maleficarum, qui ouvre ses portes cinq fois par an à Montréal, témoigne de cette croissance.
«On fait partie d’un événement où les gens faisaient 300$ de ventes. Maintenant, la moyenne est entre 700$ et 3000$» explique la propriétaire Astrid Apissoghomian.

En quête de sens
À 36 ans, Marie-Ève Forget représente cette nouvelle clientèle. Elle a été poussée dans la sorcellerie grâce aux réseaux sociaux.
«C’est plus facile, tu peux être anonyme. Il y a beaucoup de préjugés sur les sorcières», explique-t-elle.
Pour elle, ces pratiques répondent à un besoin spirituel: «Ça vient remplir mon côté spirituel. Ça me fait du bien. Ça me permet de mettre des intentions, mon énergie et de la gratitude dans mon quotidien.»

Un phénomène étudié
L’anthropologue français Lionel Obadia observe que «l’esthétique sorcière est à la mode» en 2025. Fini les vieilles dames aux nez crochus: sur les réseaux, elles sont jeunes et maîtrisent les codes d’Internet.
Cette profusion de contenu crée même une «tension», note-t-il, tant la concurrence s’intensifie.
À l’Université de Montréal, l’anthropologue Nicolas Boissière y voit une réponse à «la perte d’influence des grandes traditions religieuses, qui a laissé la place vacante pour un besoin de spiritualité».
La popularité du phénomène se mesure aussi dans les universités: à l’Université d’Ottawa, le cours sur la sorcellerie figure parmi les plus populaires du campus, avec plus de 10 000 étudiants qui l’ont suivi.
Voyez le reportage complet dans la vidéo ci-dessus.