Les secrets de Radio-Canada


Sophie Durocher
«Condescendance, dédain, insolence, prétention, suffisance, supériorité».
Voici différents synonymes du mot «arrogance» qui me sont venus à l’esprit quand j’ai appris que CBC/Radio-Canada préférait aller devant les tribunaux plutôt que de dire aux contribuables ce qu’elle faisait avec notre argent.
«CBC/Radio-Canada intente une action en justice pour défendre son refus de divulguer le nombre d'abonnés à son service de diffusion en continu Gem.»
Vous payez pour CBC/Radio-Canada avec vos impôts, vous payez pour CBC Gem si vous êtes un abonné payant, mais impossible de savoir combien de sous CBC récolte avec cette plateforme!
Autrement dit, CBC/Radio-Canada va utiliser l’argent public pour contester son obligation de divulguer ce qu’elle fait avec l’argent public. Méchant tour de passe-passe.
Transparence SVP!
Mais pourquoi est-ce que le diffuseur public nous fait des cachotteries comme ça? Et ce n’est pas un «vilain» chroniqueur de Québecor qui a demandé à voir les chiffres, mais un prof adjoint de l’Université d’Ottawa. Quand CBC a refusé, le prof s’est tourné vers la Commissaire à l'information qui a «ordonné en juillet au radiodiffuseur public de divulguer ces chiffres».
Ça vaut la peine de s’arrêter un instant sur cette phrase: plutôt que de se plier à un ordre de la Commissaire à l’information, la société d’État va devant les tribunaux pour protéger ses secrets!
Pourtant, les journalistes de CBC et Radio-Canada font constamment appel à la Loi d’accès à l’information pour demander des comptes aux institutions publiques canadiennes! La voyez-vous, la contradiction flagrante? «Faites ce que je dis, pas ce que je fais».
Vous souvenez-vous, en 2016, quand est née la plateforme vero.tv ? «Le budget d'acquisition alloué à Véro.tv n'a pas été dévoilé».
Véronique Cloutier elle-même avait déclaré aux journalistes: «J'espère qu'on va pouvoir dire un jour “Wow, on a emmené plein de monde, on a tant de visionnements”».
Neuf ans plus tard et on ne sait toujours pas si Véro peut dire «wow» ou «ouache». On ne sait pas s’il y a «plein de monde» ou «pas grand monde». Et comme on ne sait pas combien ça a coûté et ça continue à nous coûter, on ne peut pas savoir si c’est un bon investissement, et si on en a pour notre argent.
Je vais le dire et le redire: ce n’est pas la qualité de ce qu’on trouve sur l’Extra de tou.tv ou sur vero.tv qui est remise en question. Véro est une formidable et talentueuse animatrice.
Mais comme utilisateur-payeur, je pense qu’on a minimalement le droit de savoir si une saine gestion des deniers publics a cours chez le diffuseur public, comme dans n’importe quel autre organisme fédéral.
L'heure est grave
Je vous rappelle quand même que jusqu’à tout récemment Radio-Canada autorisait les entrevues commanditées. Et ce n’est que lorsque la société d’État s’est fait prendre la main dans le sac, après une enquête d’un chroniqueur de La Presse, qu’elle a mis fin à cette pratique commerciale incompatible avec un diffuseur public.
À l’heure où les diffuseurs privés sont au bord de l’abîme, CBC/Radio-Canada devrait au moins faire preuve de transparence en divulguant ses chiffres.
Comment jouer une partie de poker avec un joueur qui refuse de mettre cartes sur table?