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Les ravages des changements climatiques bien visibles aux Îles-de-la-Madeleine

AFP
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Agence France Presse

2023-07-17T21:50:16Z
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Une course contre la montre et surtout contre les éléments: dans le golfe du Saint-Laurent, aux Îles-de-la-Madeleine, les falaises reculent, les dunes disparaissent, et des sentiers s'effondrent, laissant des maisons vulnérables face à l'océan. 

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Les changements climatiques sont devenus ici une réalité palpable au quotidien, et d'une saison à l'autre, le décor naturel change. 

«Les Îles-de-la-Madeleine sont aux premières loges des changements en cours, nous sommes tout petits face à l'immensité», reconnait Mayka Thibodeau du Cermim, le Centre de recherches sur les milieux insulaires et maritimes établi sur ces îles. 

Et la vitesse de ces bouleversements donne le vertige aux 13 000 habitants qui réalisent que leur environnement est appelé à se transformer radicalement. 

Photo Sébastien St-Jean / AFP
Photo Sébastien St-Jean / AFP

Les berges des îles reculent déjà en moyenne d'un demi-mètre par an, selon une étude de l'Université du Québec à Rimouski (UQAR). 

Pour Diane Saint-Jean et sa compagne, derrière ce chiffre: l'angoisse. 

«On était plutôt naïves, on était certaines qu'on avait une solution. Mais la nature nous a prouvé le contraire», raconte-t-elle à l'AFP, la voix tremblante et les yeux rivés sur les falaises qui s'effritent à quelques mètres de sa maison. 

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Les deux femmes habitent La Martinique, une étroite bande de terre qui relie les deux principales îles. 

Elles ont dépensé des milliers de dollars pour renforcer la falaise avec de gros rochers, mais la tempête Fiona en septembre 2022 a tout avalé en quelques heures. 

«On se lève le matin et on comprend qu'on a mis notre argent à l'eau. Mais que faire?», demande l'ex-infirmière à la retraite. 

«Fardeau pour l'avenir» 

Évoquer l'érosion est un sujet sensible sur ces îles peuplées depuis le 18e siècle et situées au sud-ouest de Saint-Pierre-et-Miquelon, à plus de cinq heures de bateau de la côte. Tous ont des souvenirs d'endroits aujourd'hui disparu, de maisons qui ont dû être déplacées, car elles risquaient d'être emportées à tout moment. 

La situation est un casse-tête pour les autorités qui doivent investir des millions de dollars canadiens pour des travaux d'urgence. 

Photo Sébastien St-Jean / AFP
Photo Sébastien St-Jean / AFP

Sur l'île principale, Cap-aux-Meules, quand en 2018 une partie de la falaise est tombée, elle a emporté la piste cyclable et laissé le cimetière, l'hôpital et la maison de retraite en première ligne face aux vagues. 

En 2022, la municipalité a donc dû créer une plage de gravier: 143 000 tonnes de roches de diverses tailles, transportées par bateau, ont été déposées sur un tronçon de plus de 800 mètres pour rehausser la rive. 

Et ce n'est pas le premier endroit à devoir être protégé ainsi. «Des solutions existent, mais elles sont extrêmement coûteuses et il faut entretenir ces ouvrages donc à chaque fois, c'est un fardeau fiscal pour l'avenir», explique Jasmine Solomon, chargée des questions d'érosion pour la municipalité. 

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«On ne pourra peut-être pas tout protéger, il y aura des coins qui vont être appelés à changer», ajoute cette dernière, alors que les épisodes de météo extrême sont plus nombreux, plus dévastateurs et plus fréquents en raison des changements climatiques. 

«Ne plus faire l'autruche» 

L'île est par ailleurs en train de perdre l'un de ses remparts pendant les longs mois d'hiver: la glace. Celle-ci a toujours servi de bouclier, son absence laisse aujourd'hui les côtes totalement exposées aux tempêtes hivernales. 

Le grès rouge des falaises est rendu plus friable par les épisodes de gel et de dégel, plus fréquents dorénavant. 

«Une tempête peut faire disparaître complètement une dune, une falaise, créer une brèche», avance Marie-Ève Giroux, directrice d'Attention FragÎles. 

La directrice d'Attention FragÎles, Marie-Ève Giroux.
La directrice d'Attention FragÎles, Marie-Ève Giroux. Photo Sébastien St-Jean / AFP

Outre de la sensibilisation, notamment dans les écoles, son organisme travaille dans les dunes sur des solutions douces pour les revégétaliser et ainsi retenir le sable. 

Car les îles sont aussi aujourd'hui menacées par la submersion, à la fois en raison de l'élévation du niveau de la mer comme partout autour du globe, mais aussi car elles continuent de s'enfoncer. 

«Il faut prendre en compte des scénarios réalistes et ne plus faire l'autruche», estime Mayka Thibodeau. 

«On ne veut pas juste subir. On veut faire partie de la solution», ajoute-t-elle en énumérant les nombreuses recherches en cours dans son centre, dont une nouvelle technique de recharge de plage appelée «béton vert» qui utilise des coquilles de mollusques. 

L'idée: faire de leur archipel un laboratoire à taille humaine contre un danger qui menace des millions de personnes dans le monde. 

Photo Sébastien St-Jean / AFP
Photo Sébastien St-Jean / AFP

Il faut agir «rapidement», renchérit Marianne Papillon. Cette dernière occupe un poste tout récemment créé: médecin-conseil pour la santé publique spécialisée en changements climatiques, afin de sensibiliser la population. 

«C'est collectivement qu'il faut agir, le geste individuel n'a pas de sens si le collectif ne s'y met pas», explique Marianne Papillon. 

«Face aux tempêtes, les gens doivent faire le lien avec les changements climatiques», dit-elle. 

«Il faut aussi qu'ils se sentent concernés sans qu'ils développent pour autant de l'écoanxiété».

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