Les Québécois sont pompés contre la taxe carbone
Pierre-Olivier Zappa
Pendant que le reste du pays roule au rabais, nous, on se fait siphonner à la pompe par une "taxe carbone" pour financer un Fonds vert qui arrose des multinationales en mal d’image verte.
L’Ontario fait le plein à 1,32$ le litre. Ici, à Montréal, c’est 1,62$. Trente cents de plus pour le même carburant. Donc à chaque plein, c’est près de 20$ qu’on débourse en trop...
On comprend maintenant pourquoi les Québécois sont de plus en plus frustrés du prix élevé à la pompe. Une majorité de gens (56%) demandent au gouvernement Legault de mettre la hache dans son système de tarification du carbone , qui augmente d’environ 10 cents le litre la facture d’essence dans la province selon un récent sondage Léger-Le Journal-TVA. Et ils souhaitent davantage de transparence sur l'utilisation des revenus de cette taxe dans le Fonds vert.
Un puit sans fond
Pas pour nos routes, pas pour nos écoles, mais pour le sacro-saint Fonds vert. Un puits sans fond où l’on subventionne pêle-mêle les projets d’Hydro-Québec, de la Banque mondiale, et même de Diageo, le géant britannique de la vodka et du rhum.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Les familles le sentent passer. Les travailleurs aussi. Et ils ne sont pas fous. Pour faire le plein d’essence, de plus en plus de Québécois prennent le volant... vers l’Ontario.
La semaine dernière, j’étais à Ville-Marie, au Témiscamingue. Une petite ville de 2500 habitants, à 30 minutes de l’Ontario. Le caissier du dépanneur local me lance, sans détour: «Les gens traversent la frontière. Nos clients y vont acheter de l’essence, mais tant qu’à y être, ils font l’épicerie, achètent leurs produits ménagers, leur vin, parfois même des vêtements.»
Et ce n’est pas un cas isolé. Partout où le Québec frôle l’Ontario, les villes constatent une baisse de l’achalandage local. Même scénario dans l’Est-du-Québec, où les stations-service du Nouveau-Brunswick accueillent de plus en plus de plaques québécoises.
Tout ça à cause d’une taxe censée nettoyer l’air... mais qui étouffe notre portefeuille.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Un fonds pas très propre
La taxe carbone, c’est cette fameuse ponction verte sur chaque litre d’essence vendu. On parle de 13 cents de plus, versés directement dans le Fonds d’électrification et de changements climatiques.
Mais ce fonds reste une véritable caisse libre-service. L’an dernier, Hydro-Québec y a puisé plus de 160 millions pour installer des bornes et moderniser son réseau. Diageo, le géant britannique de l’alcool, a reçu 12 millions pour rendre son usine plus «éco-énergétique».
Oui, votre Smirnoff et votre Captain Morgan sont maintenant plus «verts»... ce qui est parfait pour calmer votre écoanxiété à l’heure de l’apéro! Mais à la pompe, c’est toujours vous qui trinquez, au prix fort, et plus cher qu’à peu près partout en Amérique du Nord.
En parallèle, le Fonds vert a versé 10 millions de dollars à la Banque mondiale pour financer des projets climatiques à l’étranger, alors même que plusieurs régions du Québec peinent à absorber les effets économiques de cette politique.
Les dindons de la taxe
On nous promet que tout ça réduit la pollution. Mais dans les faits? La consommation de carburant grimpe. Le parc automobile continue de grossir. Et les ventes de véhicules électriques sont en chute libre!
L’an dernier, la commissaire au développement durable révélait que près de 3 milliards de dollars ont été versés par le Fonds vert... sans qu’aucun indicateur clair ne permette d’en mesurer les effets!
Alors qu’est-ce qu’on fait? On sort de la bourse du carbone, qui gonfle le prix de l’essence? On y perdrait un outil qui fixe un prix clair à la pollution et qui finance, en théorie, notre transition énergétique. Mais un système juste ne peut ignorer ceux qui paient la note sans jamais en toucher les dividendes.
Pourquoi ne pas faire comme ailleurs: retourner une partie des revenus aux citoyens? Un crédit d’impôt, un chèque annuel, surtout en région, où l’auto est une nécessité. On garde l’outil, on corrige l’injustice. Taxer les gros pollueurs, oui. Mais pas au détriment de ceux qui n’ont pas le luxe d’en sortir.
Assez d’être les dindons de la taxe, pendant que les autres font le plein au rabais.