Les propriétaires de camps en forêt s’inquiètent d’une réforme du ministère des Forêts qui pourrait leur pourrir la vie
L’accès au territoire et la valeur des propriétés sont parmi les enjeux


Mathieu-Robert Sauvé
Les 40 000 propriétaires de camps en forêt publique du Québec craignent l’application du projet de loi 97 qui va grandement affecter leur qualité de vie et la valeur de leurs propriétés.
«La population doit se mobiliser. Voulons-nous d’un recul dans les années 1960 quand les compagnies forestières régnaient en rois et maîtres sur la forêt québécoise?» lance André Saillant, qui gère un club de pêche à la truite dans le Charlevoix avec 17 autres membres.
Pour cet administrateur du Regroupement des locataires des terres publiques du Québec (RLTP), le projet de loi 97 dirigé par la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, comporte de multiples pièges auxquels il faut se préparer.

«Nous craignons d’être abandonnés», résume le président de l’organisme, Arthur Fortin, qui a lancé par communiqué un cri du cœur au nom des milliers de propriétaires de camps sur les terres publiques du Québec.
Porté par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts, le projet de loi 97 crée «beaucoup d’incertitudes» chez les villégiateurs concernés qui génèrent quelque 710 millions de retombées économiques annuelles, selon un sondage réalisé l’an dernier parmi les membres.
Plusieurs de ces installations sont rustiques avec des bécosses, mais d’autres sont des maisons comparables aux unifamiliales de banlieues, avec réseau internet permettant le télétravail. Elles peuvent valoir plusieurs centaines de milliers de dollars.

Des lots concédés par bail
Pour bien comprendre les impacts de cette réforme, il faut savoir que des lots de terrain sont accordés depuis plus d’un siècle par l’État à divers individus. Les personnes qui obtenaient ces droits signaient un bail et pouvaient se construire un camp et y accéder à volonté à condition de respecter certains critères.

«Ces baux remontent parfois à plusieurs générations et ont été transmis de père en fils depuis l’époque de la drave», illustre M. Fortin.
Le projet de loi 97 propose une nouvelle approche de gestion en trois zones (voir ci-dessous) qui fait craindre le pire aux villégiateurs.
«L’entretien des routes pourrait nous coûter plus cher et nous craignons de ne pas être écoutés par les entrepreneurs qui veulent exploiter les ressources directement dans notre territoire», reprend Bertrand Grenier, qui «profite de la nature avec sa famille» depuis près de 40 ans dans la zone d’exploitation contrôlée (ZEC) Maria-Chapdelaine, au Lac-Saint-Jean.
Inquiétudes
Le regroupement a transmis ses inquiétudes au ministère concerné par le biais d’un mémoire déposé en avril 2024. Il était mentionné que les villégiateurs paient déjà des taxes et diverses dépenses liées à l’usage de leur habitation en région éloignée. Ils ne souhaitent pas voir de nouveaux frais s’ajouter, par exemple pour l’entretien des routes et chemins dans les bois.
«Pire encore, les entreprises forestières pourraient décider de fermer certains chemins qui ne leur sont plus utiles pour le transport. Comment fera-t-on pour accéder à nos camps?» demande M. Grenier.
Selon , Sylvain Carrier, le relationniste du ministère qui a répondu par courriel à nos questions en fin de journéé jeudi, «aucun droit existant ne serait suspendu». Quant aux accès au territoire, il précise que le projet de loi prévoit de «renforcer le principe d’utilisateur-payeur. Les utilisateurs visés et les contributions envisagées ne sont pas encore déterminés, ils seront définis par règlement du gouvernement».
Une forêt en trois zones
Le projet de loi 97 visant la «Modernisation du régime forestier» repose sur le concept de la triade forestière, qui divise le territoire à parts égales en trois zones:
- Zones d’aménagement forestier prioritaires dédiées à l’exploitation intensive du bois. Les restrictions liées à la conservation sont presque absentes.
- Zones de conservation, des aires protégées où l’exploitation forestière est interdite.
- Zones multiusages: Ces zones permettent une cohabitation entre différentes activités, comme l’exploitation forestière, la chasse, la pêche, le récréotourisme et l’acériculture.
Ce modèle vise à «équilibrer les besoins économiques, la protection de la biodiversité et les activités récréatives», selon le ministère.
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