Tarifs de 25% de Trump: les PME d’ici se préparent au pire
Les Américains vont-ils se montrer bons joueurs et accepter de payer une partie des tarifs?

David Descôteaux
Avec l’imposition possible de tarifs sur les biens canadiens, les entreprises d’ici devront convaincre les acheteurs américains de payer une partie.
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Le Journal a parlé avec le PDG d’une entreprise québécoise du secteur manufacturier dont le chiffre d’affaires dépasse les 100 M$ annuellement. Avec la moitié de sa production destinée aux États-Unis, l’entreprise a pris les devants en envoyant une lettre à ses clients pour les rassurer et leur dire que l’entreprise serait toujours là pour eux. Et la réponse des clients américains fut concluante.
«La réponse a été qu’on va travailler ensemble, on ne veut pas vous perdre comme fournisseur. Il y a une volonté des Américains de ne pas revoir complètement la chaîne de production et de continuer à travailler avec les fournisseurs canadiens, dit le PDG, qui désire garder l’anonymat. Des clients américains nous disent qu’ils veulent nous aider, par exemple en commandant de la production en avance, avant la mise en place des tarifs. Il y a un dialogue en ce moment.»
Plusieurs entreprises québécoises ont des marges de profit très minces et ne peuvent se permettre de baisser leurs prix de 25%, si des tarifs du même ordre sont imposés sur leurs produits. «Notre business serait finie aux États-Unis, si les clients américains disaient: “C’est trop cher, on doit trouver un autre fournisseur.”» dit-il.
Il faudra négocier
«Si les Américains imposent un tarif de 25%, comme c’est l’expéditeur qui fait d’habitude la procédure douanière et qui paye, c’est lui qui va se retrouver à payer ce 25%», explique Sylvain Champoux, président de Secam INTERNATIONAL, un courtier en douanes basé à Laval.
«Ce sera à lui de négocier avec son client américain pour dire: “Écoute, Trump fait ça. Alors je peux en absorber une partie, mais peux-tu en payer une partie?” Ça peut aller dans les deux sens, ça dépend de la négociation entre les deux parties», ajoute-t-il.
Le jeu de négociation va évidemment être différent selon la valeur de la marchandise.
«Sur une cargaison de 2000$, le tarif revient à 500$. Je peux peut-être l’absorber ou la facturer à mon client. Mais si c’est une commande de 100 000$, ça devient 25 000$... Ce sont de gros montants. Les deux parties peuvent trouver un terrain d’entente, mais ça ne veut pas dire que ça va être le cas», dit celui dont l’entreprise est dans les affaires depuis 1985.
La Beauce retient son souffle
Beaucoup d'entreprises en Beauce font affaire avec les États-Unis, et s’inquiètent aussi de l’entrée en vigueur des tarifs douaniers à venir.
TVA Nouvelles a visité l’entreprise Acier Trimax, située à Sainte-Marie-de-Beauce, qui se spécialise dans la fabrication de poutres en acier. Dans cette usine, c’est 100% de la production qui s’en va aux États-Unis.
Malgré les incertitudes, celui-ci essaye de «garder la tête froide» et «ne veut pas trop s’en faire». Acier Trimax possède aussi une usine aux États-Unis, mais transférer toute la production ne serait pas envisageable à court terme.
«On n’a pas la capacité dans notre usine américaine de produire ce qu’on produit dans nos quatre usines canadiennes», a expliqué David Drouin, le président du Groupe Camnor. «Demain matin, c’est impossible de se revirer de bord et de faire la production à 100% aux États-Unis. C’est le cas des fabricants américains aussi», a-t-il poursuivi.
Il se dit prêt à s’adapter, a-t-il indiqué, mais pour cela, il doit connaître les règlements, l’ampleur des tarifs et la manière dont ils seront appliqués.
Certains s’en sortiront mieux
Les entreprises qui produisent des produits à forte valeur ajoutée risquent de s’en sortir beaucoup mieux que les petites PME.
Le PDG de l’Association de l’aluminium du Canada, Jean Simard, s’inquiète peu des conséquences qu’auront ces tarifs, du moins pour son industrie. «Nous, c’est dans les contrats, c’est prévu que l’importateur paye la totalité des tarifs s’il y a lieu, sur nos produits à valeur ajoutée, par exemple dans le secteur automobile ou l’aérospatial.»
Il souligne que la plupart de ces produits sont certifiés et difficilement remplaçables. «Dans nos contrats, si un tarif survient, c’est le client qui l’absorbe en totalité. Et si le client voulait changer de fournisseur, il devra recertifier quelqu’un, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. C’est pas des barres de chocolat, ce sont des alliages de spécialités et des lingots», explique-t-il.
De toute façon, dit-il, les entreprises d’aluminium peuvent se tourner et vendre en Europe, puisque ces produits sont en forte demande.
Le dollar faible va aider
Il y a du positif au dollar canadien qui baisse depuis quelque temps, du moins pour les exportateurs: il rend les biens canadiens moins chers pour les Américains. De cette façon, chaque fois que le dollar canadien diminue en valeur par rapport au dollar américain, ceci a pour effet de compenser un peu les tarifs de Donald Trump, qui eux ont pour but d’augmenter le prix des produits canadiens.
(En collaboration avec QMI)
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