Les nouveaux «séparatistes» de Montréal


Denise Bombardier
Lors du débat déchirant et humiliant sur la loi 101 en 1977, les Québécois anglophones de Montréal, auxquels s’ajoutaient des francophones, jonglaient avec l’idée d’un statut particulier pour Montréal.
Ce n’est donc pas d’hier que la métropole du Québec fait rêver les « séparatistes ». Ce concept de cité-État repose sur le sentiment de supériorité que ressentaient des Montréalais, avant tout anglophones, qui dès les débats sur la Charte de la langue française à l’initiative du docteur Camille Laurin se battaient contre l’unilinguisme français.
Insultes
À cette époque, le magazine anglophone Maclean’s de Toronto n’y allait pas de main morte. Il décrivait René Lévesque comme « un fanatique vêtu d’un tuxedo de location ». Le ministre Camille Laurin était comparé au chef de la propagande nazie Joseph Goebbels. Le Montreal Star, un journal très hostile au nationalisme québécois, qui a fermé ses portes en 1979 à la suite d’une longue grève, n’avait proposé en 1977 rien de moins que la création d’une onzième province avec l’ouest de Montréal.
Ces attaques frontales contre la loi 101 n’ont pas affaibli l’appui des francophones, qui se situait à 80 %. À l’époque, la vigueur du nationalisme faisait reculer la peur séculaire des Canadiens français. Il faut donc retourner en arrière pour comprendre l’offensive actuelle des nouveaux séparatistes. Le chef de Mouvement Montréal, Balarama Holness, candidat à la mairie de Montréal, a donc pris le relais des « séparatistes », à vrai dire des partitionnistes, de 1977.
Il milite pour l’officialisation du bilinguisme à Montréal suivant des consultations et un référendum. Monsieur Holness a par la même occasion mis K.-O. son nouvel allié, Marc-Antoine Desjardins, ce naïf francophone qui avait fusionné son parti, Ralliement pour Montréal, qui, lui, défendait l’unilinguisme français. C’est peu dire que Balarama Holness a rajouté l’insulte à l’injure (de l’anglais to add insult to injury). Le gentil et délicat Marc-Antoine Desjardins, lui, doux nationaliste, en prend pour son rhume.
Recul du français
En 1977, les francophones étaient encore majoritaires à Montréal, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. En vérité, le recul des francophones est irréversible. Peut-on, cependant, tolérer ce courant d’anglicisation systématique et institutionnalisée de ces terres où Paul Chomedey de Maisonneuve a débarqué en 1642, en compagnie de Jeanne Mance, considérée comme cofondatrice de Montréal ?
Notre perte de mémoire collective mène tout droit à notre perte en tant que peuple francophone. Faire de Montréal une ville officiellement bilingue, c’est décapiter le Québec tout entier. Car Montréal, sa métropole, est au cœur de son activité économique, culturelle et technologique.
Il faut combattre avec vigueur et, pourquoi pas, avec rage au cœur ce séparatisme émergent dont on sait qu’il trotte dans la tête de nombre de Montréalais multiculturels et communautaristes. Qui sait si un jour ils ne font pas pression pour changer la devise du Québec « Je me souviens ». On ne serait pas surpris si, parmi eux, on ne trouvait pas plusieurs francophones, plus jeunes, plus fous, pour faire danser en anglais les boogaloos de Robert Charlewood...