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L'article provient de Le Journal de Québec
Justice et faits divers

Les meurtres de mineurs à nouveau en hausse en 2020

Une douzaine d’enfants ont péri cette année, le nombre le plus élevé en huit ans

Photos d'archives, Stevens LeBlanc
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Photo portrait de Claudia Berthiaume

Claudia Berthiaume

2021-01-03T05:00:00Z
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Le nombre de mineurs tués n’a pas cessé d’augmenter dans les trois dernières années pour atteindre un sommet jamais vu depuis 2012.

Selon des statistiques compilées par Le Journal et validées auprès des corps policiers, 12 jeunes, âgés de quelques jours à 17 ans, ont été la cible d’homicides en 2020.

C’est deux de plus qu’en 2019 et quatre de plus qu’en 2018.

Les mineurs représentent ainsi 14 % des victimes des 86 assassinats commis cette année dans la province. Fait particulier, ils occupent la même part du bilan que les décès liés au crime organisé, qui sont quant à eux en baisse notable.

On y trouve certains cas qui ont secoué les Québécois : les sœurs Carpentier, tuées par leur père, à Saint-Apollinaire ; les frères Chicoine, à Wendake ; et la découverte du corps de la jeune Océane Boyer, dans les Laurentides.

On compte aussi quelques cas d’adolescents victimes de leurs pairs, à Laval, à Montréal et en Abitibi, et un poupon décédé dans des circonstances criminelles à Gatineau, en Outaouais.

Il faut remonter à 2012 pour dénombrer autant de petits corps à la morgue, soit 13. Notons que le nombre total de meurtres était alors aussi plus élevé.

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« Alarmant »

« C’est toujours alarmant que des enfants se fassent tuer. Ça nous touche tous et on veut éviter ça », souligne le capitaine Marc Lépine, nouveau patron des Crimes contre la personne de la Sûreté du Québec.

Fort de 33 années dans les forces policières, dont le tiers à titre de profileur, il a travaillé sur les dossiers de Cédrika Provencher et des sœurs Carpentier.

« Les drames familiaux, c’est toujours difficile pour les premiers intervenants, qui ont eux aussi des enfants, ajoute Paul Verreault, commandant au Service de police de la Ville de Montréal. Les enquêteurs doivent faire la part des choses même si ça vient les chercher ».

Puisque la majorité des enfants décédés auraient été tués par un parent, certains drames auraient pu être évités, croient deux expertes.

Professeure de l’Université du Québec à Trois-Rivières spécialisée dans les homicides intrafamiliaux, Suzanne Léveillée distingue deux profils de suspects : ceux qui vivent une séparation ou une garde difficile et ceux qui ont des problèmes de santé mentale.

« Quand des facteurs de stress s’ajoutent, ça fait un cocktail explosif », illustre-t-elle. La pandémie et le confinement pourraient d’ailleurs avoir ajouté un poids supplémentaire aux personnes déjà fragiles, soutient Mme Léveillée.

Prévention et soutien

Selon elle, si l’on veut réduire le bilan en 2021, il faut faire de la prévention et donner du soutien aux parents ainsi qu’une meilleure formation aux intervenants sociaux.

On devra aussi améliorer la communication et le partage d’informations entre les organismes (corps de police, DPJ, milieu de la santé), souligne Maud Pontel, coordonnatrice d’un réseau de maisons d’hébergement. « Quand il est question de vie ou de mort, la confidentialité doit prendre le bord », résume-t-elle.

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Homicides en 2020    

Exemples dans plusieurs grandes villes nord-américaines

VILLES NOMBRE D'HOMICIDES POPULATION
Montréal  25 2 050 000
Québec  4 532 000
Ottawa  8 1 007 500
Toronto  71 3 060 000
Winnipeg 42 763 900
Calgary  30  1 625 000
Edmonton 37 972 000
Vancouver  19 633 000
New York  432 8 337 000
Philadelphie  478 1 584 000
Baltimore  328 593 000
Chicago 748 2 694 000
Houston  384 2 320 000
Dallas  227 1 345 000
Los Angeles  322 3 980 000

Flambée de morts ailleurs en Amérique  

Si le Québec et l’Ontario ont vécu une année relativement tranquille sur le plan des homicides, l’Ouest canadien et les grandes villes américaines se sont enflammés en 2020.

Avec 25 meurtres à Montréal, quatre à Québec, huit à Ottawa et 71 à Toronto, ces deux provinces semblent à contre-courant avec le reste de l’Amérique du Nord.

« Très présents »

« Je ne peux pas parler pour les autres villes, mais je sais qu’à Montréal, on est très présents [...] On a une grosse visibilité, peut-être que ça a un impact », note le commandant Paul Verreault.

La police de Montréal (SPVM) fait aussi très bonne figure pour les arrestations des tueurs. Vingt-deux des 25 meurtres commis sur l’île cette année ont été résolus, ce qui en fait sans doute leur meilleur taux de résolution dans l’histoire.

Dans l’Ouest du pays, les fatalités sont en hausse à Calgary, Edmonton et Vancouver, pour des populations deux à trois fois moins élevées que celle de notre métropole. Winnipeg a aussi connu une année très sanglante, près de son record.

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On observe la même tendance aux États-Unis.

Black Lives Matter

On compte des centaines de meurtres de plus à New York, Philadelphie, Chicago et Houston notamment.

Si certains analystes américains attribuent ces hausses entre autres à la pandémie et à l’éclosion du mouvement Black Lives Matter, cela ne semble pas s’être répercuté chez nous.

« Black Lives Matter n’a pas déteint jusqu’ici, c’est certain. Et au Québec, on n’agit pas du tout de la même manière. L’approche policière est différente », analyse le capitaine Marc Lépine. 

Six cas qui ont retenu l’attention  

1. Nuit d’horreur à Québec 

Photo d'archives, Stevens LeBlanc
Photo d'archives, Stevens LeBlanc

Le sang a coulé dans les rues tranquilles du Vieux-Québec le soir de l’Halloween. Carl Girouard, le tueur allégué, serait parti de la Rive-Nord de Montréal, où il résidait, pour aller déchaîner sa fureur dans la capitale. Muni d’un sabre japonais, il s’en serait pris à de purs inconnus croisés au hasard. Parmi les sept victimes de cette veillée funeste, deux sont décédées. Il s’agit de Suzanne Clermont et de François Duchesne, pour qui des vigiles ont été tenues. 


2. Victime d’un tueur récidiviste 

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Rares sont les cas de meurtriers récidivistes. La jeune Marylène Lévesque a été la seconde cible du tueur Eustachio Gallese en début d’année. Celle qui travaillait dans un salon de massage érotique a péri sous les nombreux coups de couteau d’un homme jaloux qui profitait de sa liberté conditionnelle. L’assassin de 51 ans a rapidement avoué son crime, d’abord aux policiers, puis au tribunal. Gallese a aussi tué sa femme en 2006. 


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3. Double assassinat en voiture 

Photo d'archives, Agence QMI, Sydney Dagenais
Photo d'archives, Agence QMI, Sydney Dagenais

On avait vu des cas semblables à Toronto et en Europe, mais pas chez nous. Le jour de la fête du Travail, un jeune homme aurait délibérément foncé sur une piétonne et un cycliste, à Brossard, sur la Rive-Sud de Montréal. Les deux victimes, respectivement âgées de 45 et 50 ans, ont succombé à leurs blessures, ce qui a valu des accusations de meurtre à Radoslav Guentchev. Mais, contrairement aux homicides commis avec une voiture ailleurs dans le monde, le suspect n’aurait pas agi en fonction d’une idéologie quelconque, mais plutôt à cause d’un trouble de santé mentale. Il a d’ailleurs déjà été reconnu coupable de deux autres crimes par le passé. 


4. En cavale après deux meurtres 

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Claude Charbonneau a donné des maux de tête aux enquêteurs de la police de Montréal l’été dernier. Celui qui aurait commis deux homicides en août à Montréal s’est volatilisé pendant deux semaines avant qu’on lui mette la main au collet. Ce sont des agents de la police de Trois-Rivières qui ont finalement procédé à son arrestation.

L’homme de 61 ans est accusé d’avoir tué une personne qui résidait dans le même immeuble que lui, dans le quartier Ahuntsic, puis le propriétaire du bloc à logements, cette fois dans le secteur Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce. Fait particulier, Charbonneau a avoué dès son premier passage au tribunal qu’il aurait commis les deux meurtres, sans toutefois plaider coupable.


5. Abandonnée en bordure d’une route 

Photo courtoisie
Photo courtoisie

La mort de la petite Océane Boyer a choqué le Québec en février. Le corps de l’adolescente de 13 ans a été découvert par un automobiliste en bordure d’une route de Brownsburg-Chatham, dans les Laurentides. Elle était partiellement dénudée. Le tueur allégué serait François Sénécal, un ami de la famille âgé de 51 ans. Il aurait battu la jeune fille à mort avant de se débarrasser de sa dépouille. 


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6. Trois meurtres à Val-des-Monts 

Photo d'archives, Jacynthe Bélisle
Photo d'archives, Jacynthe Bélisle

La petite municipalité de Val-des-Monts, en Outaouais, a été particulièrement éprouvée en 2020. On y a recensé trois homicides, découlant de deux événements distincts, une bien triste statistique pour la ville paisible de 12 215 habitants. 

Il y a d’abord eu un double meurtre en février, lors duquel un couple a trouvé la mort sur fond de conflit avec son propriétaire (photo). L’ex-policier de la Gendarmerie royale du Canada Yvon Mercier a été accusé dans cette affaire.

Triste coïncidence, la victime du second dossier survenu à Val-des-Monts en novembre est aussi un ancien enquêteur, du Service de police d’Ottawa cette fois. Guy Giroux aurait été la cible de son fils Marc-André.  

86 victimes   

  • Hommes : 56   
  • Femmes : 18   
  • Enfants : 12    

La plus jeune : Un poupon de moins d’un an décédé à Gatineau. Sa mère est accusée d’homicide involontaire.

La plus âgée : Un Montréalais de 93 ans battu chez lui. L’accusé est son fils. 

75 suspects   

  • Hommes : 64   
  • Femmes : 7   
  • Adolescents : 4    

Le plus jeune : Un ado de 14 ans qui aurait accidentellement tué un autre ado en manipulant une arme à feu.

Le plus âgé : Un homme de 82 ans qui est lui-même décédé dans le cadre d’un meurtre-suicide conjugal. 

Armes utilisées   

  • Arme blanche : 35 %  
  • Arme à feu : 28 %  
  • Force physique : 14 %  
  • Objet contondant : 12 %  
  • Voiture : 2 %  
  • Feu : 1 %  
  • Autre / inconnue : 8 %   

Mobiles   

  • Violence intrafamiliale : 34 %  
  • Querelle non préméditée : 30 %  
  • Règlement de compte : 18 %  
  • Psychiatrie : 6 %  
  • En lien avec un crime sexuel : 2 %  
  • Vol : 1 %  
  • Involontaire / erreur sur la personne : 1 %  
  • Autre / indéterminé : 8 %  
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