Les ménages sont en «récession»... mais pas le ministre Eric Girard
Les ménages en difficultés financières sont convaincus de s’être littéralement appauvris à cause de l’augmentation du coût de la vie.


Michel Girard
L’argentier du gouvernement Legault, le ministre des Finances, Eric Girard, aura beau dire que le Québec n’est pas en récession, la grande portion des ménages québécois qui tirent le diable par la queue n’en ont que faire du discours rassurant du ministre.
Ces ménages en difficultés financières sont convaincus de s’être littéralement appauvris à cause de l’augmentation du coût de la vie. Et ils ont raison. D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls à avoir perdu du pouvoir d’achat. À preuve...
Sur 24 ménages types, 20 ont vu leur revenu disponible (en dollars constants, soit après élimination de l’inflation) baisser en 2023 par rapport à 2022, la baisse allant de 700$ à quelques milliers de dollars. Par ménages types, on fait référence ici à huit catégories de ménages, et trois niveaux de revenu (faible: 25e percentile / moyen: 50e percentile / élevé: 75e percentile). Les catégories sont: personnes seules, couples sans enfants, couples avec enfants, familles monoparentales, personnes seules aînées de 65 à 69 ans, couples aînés de 65 à 69 ans, personnes seules aînées de 70 ans et plus, couples aînés de 70 ans et plus.
Pour affirmer que 20 ménages sur 24 se sont appauvris en 2023, je me base sur l’étude Évolution du pouvoir d’achat des ménages québécois qu’a publiée la semaine dernière la Chaire de recherche en fiscalité et en finances personnelles. Les chercheurs Luc Godbout, Suzie St-Cerny et Frédérick Hallé-Rochon ont comparé en dollars constants de 2023 le revenu disponible qu’ont gagné annuellement les divers ménages types depuis 2019.
LA «RÉCESSION»
Selon les données du 3e trimestre colligées par l’Institut de la statistique, le PIB réel du Québec vient de reculer pour un deuxième trimestre consécutif. On est donc, techniquement parlant, en récession. Mais selon le ministre Eric Girard, ce n’est pas le cas.
«Il est néanmoins trop tôt pour déclarer que le Québec est en récession, affirme-t-il, puisque la baisse de l’activité économique n’est pas généralisée. En effet, plusieurs secteurs affichent une croissance, en plus de l’emploi, de la consommation et du revenu disponible», poursuit-il, ajoutant être conscient que le contexte demeure difficile pour plusieurs Québécois.
AU QUOTIDIEN...
Remettons les pendules à l’heure. On aura beau dire que l’inflation sur 12 mois est descendue à «seulement» 3,6%, les ménages, eux, ont le profond sentiment que c’est plus élevé.
Dans les faits, ce qui déstabilise le plus le portefeuille des ménages à faible revenu et à revenu moyen, ce sont les hausses de prix qui ont frappé le logement et l’alimentation. Il faut savoir que le logement compte pour 27% du panier de consommation chez les moins nantis et l’alimentation, elle, pour 19%.
LE LOGEMENT
Commençons par le logement. Au cours des 12 derniers mois allant de novembre 2022 à novembre 2023, le coût du logement a globalement enregistré au Québec une hausse de 6,8%. Plus spécifiquement, les loyers ont grimpé de 7,4%.
Chez les propriétaires de logement, l’augmentation atteint les 8,3% lors des 12 derniers mois. Autre hausse pas piquée des vers, celle, de 11,4%, du coût de l’assurance habitation et de l’assurance hypothécaire. Pire encore lorsqu’il s’agit de la flambée du coût de l’intérêt hypothécaire, dont les paiements ont explosé de 29,8% depuis un an.
L’ALIMENTATION
Passons maintenant à l’autre grosse dépense des ménages: l’alimentation. Chaque fois que l’on va à l’épicerie du coin, on a l’impression que tous les prix des produits ont fortement augmenté. À tel point d’ailleurs que les gens se méfient de plus en plus des aubaines offertes par les marchands!
Selon les plus récentes données sur l’inflation de Statistique Canada, le panier des aliments a globalement augmenté de 5% au cours des 12 derniers mois. Les produits qui ont enregistré les plus fortes hausses sont: le bœuf frais ou surgelé (+9,5%); le beurre (+8,5%); les fruits frais (+9,7%); les légumes en conserve (+7,5%); les graisses et huiles comestibles (+9,2%); les aliments achetés au restaurant (+6,4%).
DEPUIS 3 ANS
En l’espace de trois ans, l’inflation au Québec a monté de 16,5%. Le logement, lui, a fait un bond de 19,4%. Et l’alimentation, elle, a grimpé davantage, soit de 22,3%.
Quand on rajoute par-dessus cela la fabuleuse hausse de 4,75 points de pourcentage du taux directeur de la Banque du Canada et de son impact catastrophique sur les prêts hypothécaires, les prêts personnels, les prêts aux entreprises, les cartes de crédit, les avances bancaires... cessons de nous demander pourquoi il y a tant de ménages québécois au bord de la déprime financière.