Les médecins sortent l’artillerie lourde du lobbyisme

Nous avons de bons médecins au Québec. Un niveau de compétence digne de l’élite mondiale. La quasi-totalité d’entre eux ont un sens de la vocation, la majorité travaille fort, semaine après semaine. Pourquoi donc en sont-ils venus collectivement à susciter la méfiance d’une partie importante de la population?

Je pourrais aussi demander comment ils en sont venus à se retrouver dans le viseur du gouvernement? Dans toutes ses années en politique, le ministre Christian Dubé ne s’est pas bâti la réputation d’être un belliqueux. Or cette fois-ci, il baisse la tête et fonce en affirmant que les règles de rémunération des médecins doivent changer.

Fait intéressant à noter, quelques anciens ministres de la santé se rangent résolument derrière son effort, soulignant qu’il faudra bien que quelqu’un ait le courage de le faire un jour.

Pourquoi cet affrontement?

C’est toujours difficile pour nous qui ne sommes pas des experts de juger de chacune des mesures du projet de loi. Or, nous pouvons facilement juger de la motivation du ministre.

Nous sommes une société qui rémunère très bien ses médecins depuis une dizaine d’années. Parallèlement, nous sommes une société qui est loin d’être satisfaite de l’accès qui nous est donné pour voir ces médecins lorsque nécessaire. Cette impatience monte dans la société depuis quelques années et il existe certainement un appétit aujourd’hui pour un ministre qui veut lier la rémunération à des résultats.

Un livre a été publié ce printemps (intitulé L’indomptable mammouth) pour raconter les réformes de la santé depuis plus d’un quart de siècle. Un constat y est évident: les médecins ont gagné la quasi-totalité de leurs batailles durant cette période. Les ministres qui ont voulu affronter les fédérations médicales furent désavoués par leur chef à minuit moins une.

Victoires répétées

Le lobby des médecins est d’une puissance inouïe. Nous l’avons vécu cette semaine avec la Commission parlementaire qui étudie le projet de loi réformant leur rémunération. Les médecins ont mis en marche leur machine imposante.

Des témoignages émouvants dans les médias, des campagnes de publicité, des patients menacés de perdre leur médecin et sollicités pour mettre de la pression. Cette dernière tentative a eu un effet boomerang, bien que la peur ait son effet dans la population.

Les messages venaient de partout. Le Collège des médecins, chargé de protéger le public, affirme même que le projet de loi constituerait «un danger» pour les patients.

Si les premiers ministres ont toujours plié dans le passé, ce serait trop facile de dire qu’ils étaient des lâches et des poltrons. Ils ont été emportés par l’ouragan d’influence du corps médical lorsqu’il se ligue en front commun.

Les médecins ont essentiellement toujours gagné. Les hausses de salaire pour rattraper et même dépasser les autres provinces: victoire! Le droit à l’incorporation: victoire! Tous les projets leur imposant des obligations, abandonnés: victoire!

J’espère que les médecins participeront à trouver une solution négociée. L’affrontement est malheureux. Mais cette fois-ci, les patients doivent gagner.