Les médecins en furie: des spécialistes craignent de voir leur salaire chuter de 40%
Zoé Arcand
Les médecins à travers la province s’indignent de l’entrée en vigueur d’une loi adoptée sous bâillon qui pourrait notamment voir des spécialistes perdre jusqu’à environ 40% de leur rémunération.
«Le gouvernement veut que les patients ne soient plus sur des files d’attente et voient un médecin, mais en même temps, il nous décourage de faire de nouvelles consultations», interprète le Dr Guillaume Lafortune, président de l’Association des neurologues du Québec.
Comme la majorité de ses collègues, il est hors de lui depuis l’adoption sous bâillon de la loi spéciale de la CAQ sur le réseau de la santé dans la nuit de vendredi à samedi.
Perte pour les spécialistes
En disant vouloir améliorer l’accès aux services médicaux, le gouvernement a modifié le mode de rémunération des médecins. Ce faisant, il vient mettre la hache dans le revenu de certains d’entre eux.
Les salaires de spécialistes comme les oncologues, les gynécologues, les neurologues ou encore les psychiatres pourraient être affectés jusqu’à 40%, selon le Dr Lafortune.
Car au moment où la loi 2 entrera en vigueur, la première rencontre avec un patient ne sera plus rémunérée davantage que les rencontres de suivi.
Pourtant, ces rencontres «d’évaluation» sont quatre fois plus longues que les rencontres subséquentes, explique la psychiatre Mélissa Prud’homme, et nécessitent plus de travail en aval des rendez-vous.
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«Le gouvernement ne comprend pas»
«Pour des médecins, les frais de bureau seront plus élevés que leur rémunération, ils vont se retrouver déficitaires», déplore le Dr Lafortune, qui explique qu’il manque de postes de travail dans certains centres de santé, forçant des spécialistes à louer un espace ailleurs.
«On n’arrêtera pas de prendre de nouveaux patients, mais on a l’impression que le gouvernement ne comprend pas notre travail», déplore la Dre Prud’homme.
Car cette perte de salaire est sans compter le 15% de la rémunération de l’ensemble des médecins qui sera lié à leur capacité à répondre à certains objectifs difficilement atteignables à cause de l’état du réseau, selon lui.
Le cabinet du ministre de la Santé Christian Dubé a rétorqué que ce «bonus» créait des «détours inutiles» et qu’il était retiré pour permettre au patient de «voir plus rapidement» un spécialiste. Ces sommes «resteront dans les enveloppes des spécialistes et leur répartition fera partie des négociations à venir avec la Fédération des médecins spécialistes du Québec».
«Dérive autoritaire»
La baisse de productivité d’un groupe de médecine familiale causée par l’arrêt de travail d’un médecin viendrait avoir un impact financier sur l’ensemble de ses collègues, comprend le député de Québec solidaire Vincent Marissal, qui croit que le gel des enveloppes de rémunération pour deux ans est le «seul» aspect positif de la loi.
Le député du Parti Québécois Joël Arseneault souligne d’ailleurs que cette dernière, adoptée en pleine nuit, comporte des «aberrations». Par exemple, il impose certains objectifs aux radio-oncologues pour des actes revenant aux radiologues.
«Le gouvernement n’a pas pensé à son affaire pantoute», martèle le député libéral Marc Tanguay, qui critique la «lourdeur administrative» de la loi spéciale.
Selon M. Marissal, elle dégage «des odeurs de dérive autoritaire» et comporte de nombreuses mesures qui ne passeront pas l’épreuve des tribunaux.
Le président de la FMSQ, le Dr Vincent Oliva, a déjà contesté judiciairement la loi puisqu’elle contrevient selon lui à la Charte des droits et libertés.