Les jeunes se font brûler au Soleil pour avoir des «tan lines»: le retour d’une dangereuse tendance


Anne-Sophie Poiré
«Burn lines» ou «tan lines»: qui aurait cru que s’exposer au soleil lorsque l’indice UV est à son apogée sans aucune protection solaire la peau recouverte d’huile de bronzage reviendrait au goût du jour? Et pourtant, les conseils pour obtenir des lignes blanches bien visibles sur la peau au moyen de coups de soleil ont abondé tout été sur les réseaux sociaux. Quels pourraient être les effets d’une telle tendance à long terme?
«Ça, c’est des vraies tan lines. Ce n’est pas du spray tan, je vous le dis! Je vous donne mes trucs maintenant pour avoir vous aussi les tan lines les plus définies», lance dans une vidéo la créatrice de contenu et entrepreneure, Élisabeth Rioux, qui est suivie par plus de 1,4 million de personnes sur Instagram et TikTok.
Elle suggère notamment d’appliquer l’accélérateur de bronzage de sa marque personnelle ainsi que de la crème solaire «même si c’est fatigant» et qu’elle a «l’impression d’être une matante».
La vidéo a été vue plus de 300 000 fois.
Partout sur les réseaux sociaux, des créatrices de contenu ont profité de l’été pour prodiguer trucs et astuces afin d’obtenir les tan lines les plus définies qu’il soit.
Et tous les moyens sont bons pour imprimer ces lignes blanches laser sur l'épiderme: une longue sieste au soleil entre 11h et 15h lorsque les rayons UV sont les plus puissants, des gels et huiles accélérateurs de bronzage ou un vaporisateur contenant de l’eau et du sel pour s’asperger pendant la bronzette.
Des applications comme «Rayz AI Tanning» proposent même un suivi de l'indice UV en temps réel, la personnalisation du teint et le suivi des «progrès» de son bronzage.
@tanwithamy The tan lines are real and the app I use is Sunkiss AI :) #tanlines #tan #summer #sunkissed #tanroutine ♬ original sound - ⋆˚࿔ ems
Or, stimuler l’apparition d’une démarcation de maillot de bain sur la peau ne se fait pas sans douleur.
«Après le rouge vient le brun», commente une utilisatrice sous la vidéo d’une créatrice de contenu affichant fièrement ses coups de soleil sur TikTok.
Cette remarque a été «aimée» plus de 5700 fois.
Une tendance préoccupante
«On observe une augmentation de la mode du bronzage chez les jeunes femmes de 15 à 30 ans qu’on ne voyait pas dans les dernières années», souligne la dermatologue-oncologue au CHU de Québec, Marie-Michelle Blouin.
En France, la popularité des tan lines est si préoccupante que le ministre de la Santé a mis en garde la population contre les techniques de bronzage dangereuses popularisées sur les réseaux sociaux.
«Pour quelques secondes de buzz sur les réseaux sociaux [les jeunes] détruisent leurs cellules à vie. Une peau on en a qu’une seule», a déclaré en juillet Yannick Neuder sur BFM-TV.
Cette tendance inquiète la Dre Blouin qui constate chaque jour les effets néfastes du soleil.
«Elle cible une population très à risque de développer des cancers de la peau qui surviennent à cause d’une exposition ou des coups de soleil avant l’âge de 30 ans», explique-t-elle.
La spécialiste rappelle que chaque coup de soleil double le risque de développer un mélanome à l’âge adulte, soit la forme de cancer de la peau la plus agressive et mortelle. Et que même sans coup de soleil, les rayons UV demeurent ennemis.
«Le bronzage, c’est carrément une attaque. C’est une réaction de défense face à un dommage à l’ADN des cellules de la peau», prévient Marie-Michelle Blouin.
Une mode qui fait fi des dangers
«Ça rappelle la mode des années 2000 où les gens s’exposaient avec de l’huile pour bébé sur des toits d’aluminium», souligne la chimiste Sarah Bélanger – alias Miss Derme – qui utilise les médias sociaux pour vulgariser la science des cosmétiques.
«Il y a une normalisation voire une valorisation du bronzage. On dit que ça donne bonne mine et que c’est un indicateur de richesse, parce qu’on a le temps de s’exposer au soleil, on a une piscine ou on peut aller en voyage sur le bord de la mer», poursuit-elle.
La mode ne suivrait-elle que son cycle naturel?
Il y a pourtant des décennies que la population est bien au fait des dangers du soleil.
«On traite des cancers de la peau à la tonne chez la génération baby-boomers pour qui le bronzage était très tendance quand ils étaient jeunes», signale la dermatologue-oncologue Marie-Michelle Blouin.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe les rayons du soleil UVA et UVB comme cancérogènes avérés pour l'humain depuis 1992. Elle ajoute en 2009 ceux diffusés par les appareils de bronzage.
Depuis les années 1990, donc, la notion de prévention commence à apparaître dans la population générale. Le facteur de protection dans la crème solaire passe de 15 à 30, pour rapidement atteindre 50 ou 60.
Le nombre de personnes atteintes de cancer de la peau a malgré tout augmenté de façon constante au cours des trois dernières décennies au Canada. Plus de 90 000 cas y sont diagnostiqués chaque année.
Près du tiers des nouveaux cas de cancers sont des cancers de la peau, selon Santé Canada.
«Les nouvelles générations ont été mieux protégées parce que leurs parents étaient plus informés des dangers du soleil», note la Dre Marie-Michelle Blouin.
La dermatologue-oncologue espère que la tendance des tan lines ne sera que de courte durée.