Les jeunes manifestants, des drogués du cellulaire... comme nous tous!


Antoine Robitaille
Les élèves du secondaire qui ont manifesté ou séché leurs cours hier pour protester contre l’interdiction du cellulaire font penser à de grands drogués paniqués à l’idée d’être privés de la substance qui, pourtant, les asservit.
Rassurons-nous: les expériences d’interdiction du cell à l’école ont montré que le sevrage se passe habituellement bien.
Une psychiatre, Victoria Dunckley, l’avait prédit aux élus de l’Assnat membre d’une commission sur les impacts des écrans: après une brève période de résistance, les jeunes se montrent favorables à l’interdiction. Les bénéfices sont visibles rapidement: «Ils voient leur anxiété diminuer et éprouvent une forme de soulagement à l’idée de ne plus être constamment exposés aux notifications et aux réseaux sociaux.»
C’est sans doute là le meilleur argument pour l’interdiction du cell à l’école.
Génération anxieuse
L’anxiété: les patrons des grandes entreprises technologiques savent que c’est un mal qui guette les générations de leurs enfants.
Et pour éviter que leurs rejetons soient «contaminés», plusieurs d’entre eux les envoient dans des écoles non seulement sans cellulaires, mais à peu près sans écrans.
C’est entre autres le cas de la Waldorf School of the Peninsula (WSoP), au cœur de la Silicon Valley en Californie, qui a fait l’objet de plusieurs reportages depuis 2012. Sur le site web de cette école, visité hier, une enseignante faisait l’éloge du livre Génération anxieuse: en quoi la transformation numérique provoque une mutation de l’enfance et contribue à la crise de la santé mentale des jeunes du psychologue américain Jonathan Haidt.
L’auteur déplore entre autres que les téléphones et les médias sociaux ont réduit presque à néant les moments de jeu libre et non supervisé à l’école; ont diminué aussi l’esprit d’indépendance et d’exploration. Cette laisse numérique cellulaire encourage une parentalité surproductrice.
«Il y a tellement d’éléments de cette analyse qui concordent avec les pratiques et l’éthique de notre école», pouvait-on lire sur une publication officielle de la WSoP.
Arguments pauvres
Les arguments avancés hier par les manifestants pro-cell-à-l’école n’avaient rien de bien convaincants.
- Liberté d’expression? Il y a plusieurs autres canaux que les médias sociaux pour exercer ce droit.
- Sécurité: pendant des décennies, les parents ont communiqué avec leurs enfants en laissant des messages à la direction ou au secrétariat. Les risques de ne pas pouvoir être joint dans l’instant n’ont rien de terrifiants.
- Le cellulaire, c’est le contact avec les amis? Il a été démontré qu’une école sans cellulaires favorise au contraire les interactions sociales «entre jeunes à l’heure du dîner et lors des pauses» puisqu’il n’y a plus cette option de se réfugier dans son téléphone.
- Mode de paiement à la cafétéria! Euh, la monnaie et les cartes existent encore!
- La santé: certains ont dit avoir besoin du cellulaire pour contrôler leur diabète. Vraiment?
Certains vieux romantiques applaudiront une jeunesse qui se mobilise. Ils rappelleront peut-être même un slogan de 1968, «il est interdit d’interdire». Je pense que pour une rare fois, la réplique «Ok boomer» serait de mise!