Les jeunes et l’indépendance du Québec


Joseph Facal
«Des inconnus vivent en rois chez moi. Moi qui avais accepté leurs lois...»
L’indépendantisme de Serge Fiori était aussi indiscutable que discret.
Alors forcément, quand on regardait défiler les artistes de sa génération qui lui rendaient hommage, toute l’affaire dégageait un puissant parfum de nostalgie pour les années 70 et 80.
Nostalgie doublée de tristesse quand on pense aux deux rendez-vous référendaires ratés, à cette impression de promesse non tenue, de projet inachevé, de déclin et de résignation que donne le Québec français d’aujourd’hui.
Wow!
Mais si tout n’était pas dit pour de bon?
Un sondage Léger publié le 26 juin avançait que 48% des 18-34 ans sont maintenant favorables à la souveraineté du Québec.
Aberration statistique? C’est possible. Il faudra d’autres données pour y voir plus clair.
Mais si cela se confirme, c’est la meilleure nouvelle depuis longtemps pour des souverainistes qui n’ont pas trop eu de quoi se réjouir ces dernières années.
Le PQ a beau être en tête des sondages, on voit mal ce qu’il pourrait accomplir au pouvoir, dans un cadre provincial et sans les appuis nécessaires pour tenter de faire ce pourquoi il existe.
Si elle est réelle, cette montée du sentiment souverainiste chez les jeunes est fondamentale parce qu’on a rarement vu triompher un projet collectif qui n’est pas appuyé par ceux qui le vivront pleinement dans les années qui suivent.
Si elle est réelle, elle est aussi surprenante parce qu’elle tranche avec les clichés fréquemment associés aux jeunes: dépolitisés, indifférents, wokes, citoyens du monde et de nulle part, héritiers de la morosité de leurs parents boomers, strictement préoccupés par les prix du logement, l’écologie, leur anxiété, leur job, etc.
Si elle est réelle, comment expliquer cette montée du souverainisme chez les jeunes?
Une explication simple pourrait être que chaque génération (ou du moins la frange socialement engagée de celle-ci) se cherche une cause.
Jadis, ici, ce fut la protection du français, l’extension des droits des travailleurs, des femmes, etc.
Aux États-Unis, ce fut les droits civiques, l’opposition à la guerre du Vietnam, etc.
Sens
Une autre explication plus féconde réside peut-être dans un examen de l’environnement dans lequel nos jeunes ont grandi.
N’ayant pas connu le monde avant internet et les réseaux sociaux, ils ont vécu dans un univers virtuel de relations fugaces, passagères, superficielles, faites de likes et de mises en scène trompeuses.
Se pourrait-il qu’ils réalisent la vacuité, la superficialité de tout cela?
Se pourrait-il qu’ils aient cru entrer en relation avec autrui, pour finalement réaliser qu’ils s’isolaient?
Se pourrait-il qu’ils cherchent du vrai sens, du collectif authentique, une identité partagée, des expériences communes plus nourrissantes que les calories vides des réseaux sociaux?
Le philosophe Réjean Bergeron proposait une explication similaire récemment.
Ces jeunes exprimeront leur souverainisme avec des mots qui ne seront pas ceux de ma génération. Aucune importance.
Je le redis: si cela se confirme, c’est la meilleure nouvelle depuis longtemps.