Les intervenants en protection de la jeunesse «tombent comme des mouches», déplore l'APTS

Gabriel Côté | Agence QMI
Un an après le dépôt du rapport Laurent sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, le coup de barre qui était nécessaire n’a pas été donné, et le réseau se trouve toujours près du point de rupture.
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C’est ce qu’a exprimé le président de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), Robert Comeau, mardi après-midi, en réaction au bilan annuel de la DPJ.
Non seulement la situation sur le terrain ne s’est pas améliorée, mais elle s’est même détériorée à certains égards, et ce malgré la bonne volonté de tous les acteurs impliqués, a expliqué M. Comeau.
«Force est de constater que la situation évolue beaucoup trop lentement, quand elle change. Certains endroits ont atteint leur point de rupture. Nous sommes encore dans la tempête et trop de personnes sont tombées à l’eau», a-t-il dit.
Selon le président de l’APTS, la pénurie de personnel est en cause, et elle aggrave des problèmes déjà importants d’attraction et de rétention du personnel. Il manquerait quelque 900 intervenants à l’échelle du Québec pour répondre à la demande de service actuelle.
La situation serait particulièrement préoccupante en Mauricie, à Montréal, au Saguenay Lac-Saint-Jean et en Estrie, comme l’a illustré Sébastien Pitre, responsable du dossier de la protection de la jeunesse à l’APTS.
«L’équipe “évaluation-orientation” des centres de la jeunesse et de la famille Batshaw - du CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal - fonctionne avec 12 personnes alors qu’elle devrait en compter 26. Au Centre jeunesse de Montréal, il y avait plus de 300 postes vacants en février», a dit M. Pitre.
Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le manque de familles d’accueil force la DPJ à ouvrir une cinquième unité de débordement. En Estrie, plus de 700 personnes sont sur la liste d’attente, alors que 50 intervenants ont démissionné depuis le début de l’année.
«Des enfants mangent des plats congelés et des soupes instantanées faute de cuisine dans leur unité », s’est désolé M. Pitre.
Cri du cœur
La situation est d’autant plus problématique que les signalements à la DPJ ont considérablement augmenté au cours de la dernière année, ce qui a pour effet de mettre plus de poids sur les épaules des intervenantes, qui en ont déjà plein les bras. Pendant la dernière année, le nombre de signalements traités par la DPJ s’élève à 132 632, une hausse de 12,5% par rapport à l’année 2020-2021.
Une intervenante au centre jeunesse de Drummondville, Mylène Deraspe, témoigne de la difficulté du travail sur le terrain, elle qui dit voir ses collègues «tomber comme des mouches».
«Le travail en protection de la jeunesse est à double tranchant, a dit l’intervenante. Tenir les centres jeunesse à bout de bras est extrêmement éprouvant, mais nous ne pouvons pas abandonner les enfants. Nous allons faire du temps supplémentaire, la nuit s’il le faut, allant même jusqu’à négliger notre propre famille, c’est déchirant.»

«À un moment donné, nous sommes obligés de mettre un genou à terre, quand ce ne sont pas les deux».
Solutions
Le président de l’APTS insiste pour dire qu’il ne «critique pas pour critiquer» et que sa sortie médiatique se veut constructive.
« Des solutions, il y en a! a lancé M. Comeau. J’en veux pour preuve les nombreux projets déposés par les DPJ - conjointement avec des équipes locales - dans le cadre d’une lettre d’entente que nous avons négociée avec le gouvernement. Il y en a tellement que les montants alloués dans l’entente en couvrent à peine la moitié.»

Concrètement, la solution passe par le respect des contrats de travail des employés des centres jeunesse, fait valoir M. Comeau, qui considère qu’il s’agit là de la base pour passer «de la réflexion à l’action».
Écoutez l'entrevue de Philippe-Vincent Foisy avec Marie-Josée Audette, directrice de la protection à la Montérégie-Est journaliste en Ukraine sur QUB radio :