Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Quand les îles du Saint-Laurent étaient au cœur d'un réseau de contrebande

Corporation du Patrimoine de Rivière-Bleue
Partager
Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2025-07-31T23:00:00Z
Partager

Les îles du Saint-Laurent ont déjà été le repaire de contrebandiers qui y faisaient du trafic d’alcool toute l’année, profitant de la glace hivernale pour circuler.

«Les îles du Saint-Laurent sont comme un organisme vivant tellement elles sont entrelacées par l’histoire humaine, les activités biologiques et géographiques», lance le géographe Rodolphe de Koninck, qui est un des universitaires québécois qui ont le plus étudié ces îles.

Dès le début de sa carrière en 1966, il s’est rendu aux îles de Sorel sur la recommandation de son directeur de recherche, Louis-Edmond Hamelin, de l’Université Laval. Il y a passé trois mois à observer la nature et les gens.

«On y pratiquait une forme d’agriculture devenue assez rare depuis, appelée pastorale insulaire. Les gens laissaient leurs bovins et moutons paître tout l’été en liberté et ils faisaient boucherie à l’automne», résume le géographe aujourd’hui retraité.

No man’s land

Aux îles de Sorel, où il mène ses études de doctorat, il documente les mœurs des insulaires qui y vivent toute l’année. À l’aide de ponts de glace – une pratique qui disparaîtra avec l’arrivée de la voie maritime –, les familles peuvent mettre pied sur le continent tout l’hiver.

«La population y vivait de façon autarcique, comme si elle était en quelque sorte soustraite à l’histoire et aux activités du continent», explique-t-il au Journal.

Publicité
Contrebande

C’est dans ce contexte que se développe un important réseau de contrebande à partir des années 1920, et ce, tout le long du Saint-Laurent jusqu’aux îles de la Madeleine.

Il y a un siècle, cet archipel connaissait la plus grande prospérité de son histoire en raison de son rôle dans le trafic d’alcool en provenance d’Europe.

SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE RICHFORD
SOCIÉTÉ D’HISTOIRE DE RICHFORD

Les contrebandiers profitaient de leur proximité avec les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon qui les plaçaient au cœur du réseau. Le territoire français n’était pas soumis aux lois américaines prohibitionnistes (les lois Volstead, appliquées de 1920 à 1933) qui interdisaient tout commerce d’alcool aux États-Unis.

On y importait légalement des cargaisons d’alcool venues d’Europe (champagne, scotch, cognac, rhum) ainsi que de distilleries canadiennes, avant de les réexpédier clandestinement vers le Canada et les États-Unis.

De nombreux îlots côtiers aux environs de Berthier-sur-Mer, de L’Islet et de Rivière-du-Loup recelaient des caches remplies d’alcool de contrebande.

3 contrebandiers célèbres

Alfred Lévesque, le roi du Transcontinental

Originaire de Rivière-Bleue, il remplissait ses goélettes d’alcool illégal et transitait par les îles du Saint-Laurent. Au sommet de sa carrière, son réseau comptait quelque 2000 contrebandiers.

Corporation du Patrimoine de Rivière-Bleue.
Corporation du Patrimoine de Rivière-Bleue.

Lilian Miner: Queen Lilly

Elle exploitait un bordel près de Sutton, le Palace of Sin. Elle utilisait les îles fluviales et les Cantons-de-l’Est comme points de passage pour l’alcool. Sa réputation dépassait les frontières.


Conrad Labelle, le tsar de la contrebande

Il se livrait à ses activités dans la région de Lacolle en utilisant les routes forestières pour éviter les douaniers. Ses véhicules étaient modifiés pour résister aux tirs et transporter de grandes quantités d’alcool. Il aurait fourni du champagne et du whisky à un bal en l’honneur du président américain Warren Harding.

le temps d’une bière
le temps d’une bière

Publicité
Publicité