Les grosses quilles du samedi: l’Italie en dégustation

Les dégustations avec les vignerons ou les propriétaires sont toujours des moments singuliers où l’on apprend à mieux connaître le travail qui se fait derrière le vin. Ce sont aussi des rencontres parfois d’exception qui permettent de mettre un visage humain sur la bouteille et d’apporter de l’âme à ce qui se trouve à l’intérieur.

Comme chroniqueur vin pour ce vénérable Journal, votre humble serviteur a la chance, pour ne pas dire le privilège, de prendre part à de nombreuses dégustations en compagnie de ces vignerons de passage au Québec.

Or, prière de m’en excuser, je prends rarement le temps de vous en glisser un mot.

Pourquoi?

D’abord, on y déguste souvent des vins qui ne sont pas encore disponibles sur le marché. Ces nouveautés seront «relâchées», comme on dit dans le jargon technique de la SAQ, plus tard et j’oublie malheureusement de vous le signifier quand les vins débarquent après plusieurs semaines, voire souvent des mois. C’est la beauté de notre monopole d’État...

Puis, autre raison, les vins dégustés ne seront tout simplement jamais disponibles. Soit parce qu’ils sont âgés et proviennent de caves particulières ou, plus simplement, ils sont malheureusement trop chers et offerts via l’infâme loterie de la SAQ qui dope les encans des Iegor de ce monde plutôt que les caves des passionnés. Mais ça, c’est une autre histoire.

Cette semaine, je fais entorse à ce mauvais pli pour vous parler de trois magnifiques dégustations qui ont eu lieu ces derniers jours. Et le plus beau, c’est que les vins sont disponibles dès maintenant et en assez bonne quantité. Sauf le dernier qui devrait arriver sous peu. Mais en loterie...

C’est pourquoi j’ai ajouté un petit chablis de derrière les fagots, comme disent les cousins français, pour ne pas s’ennuyer durant cette longue fin de semaine à la mémoire de nos patriotes. Car, oui, je me souviens.

Buvez moins. Buvez mieux.

Maculan, Pinot Nero 2023, Breganze, Italie 21,30$ - Code SAQ 11580987 – 13%

Après une pause forcée par la pandémie, Angela Maculan, fille du grand Fausto Maculan, était de retour dans la métropole pour nous présenter ses vins. Situé à Breganze, une petite appellation nichée au pied des Préalpes, dans la province de Vicence, en Vénétie, au nord-est de l’Italie, ce petit domaine familial a été fondé dans les années 1940 par Fausto Maculan, figure emblématique du renouveau qualitatif de la région. Le nec plus ultra du domaine demeure le magnifique vin de dessert Acininobili (le 2018, une merveille – 84,75$ les 375 ml – actuellement disponible en très petite quantité à la SAQ) tout en sachant que les rouges à base de cabernet-sauvignon vieillissent avec merveille. D’inspiration bourguignonne, le pinot noir est une petite friandise qui se prête parfaitement aux journées d’été. Léger, facile avec des parfums invitants de petits fruits rouges, d’épices et d’herbe. C’est souple, gouleyant, porté par l’acidité et profitant d’une amertume qui fait persister l’ensemble. Servir assez frais.

★★★ $$

Travaglini, Gattinara 2020, Italie 40$ - Code SAQ 10839694 – 13,5%

Nous avions, hier, la chance de partager un bon repas chez Graziella avec Cinzia Travaglini. Sa famille possède plus de la moitié de cette minuscule appellation située dans le nord du Piémont, dans la province de Vercelli, au pied des Alpes. Ici, le nebbiolo est roi. Tout est manuel et fait selon la tradition. Fondé en 1958 par son grand-père, c’est lui qui a inventé la bouteille signature à la forme un peu cubique et asymétrique, conçue pour capter les dépôts et permettre un service plus net. Un rouge de caractère avec ses notes de cerise, de fraise des bois, de pot-pourri, d’herbe et de terre humide. La bouche est verticale, structurée par des tanins fins et serrés. L’amertume noble en finale porte le vin et les parfums loin en arrière. Un vin comme il s’en fait de moins en moins. Il pourra vieillir à merveille une bonne dizaine d’années tout en sachant qu’il se laisse facilement boire dès maintenant. Essayez-le bien frais, avec un poisson à chair blanche, un peu d’huile d’olive, des herbes et quelques tomates écrasées. Un régal!

★★★ 1⁄2 $$$

Ornellaia 2022, Bolgheri, Italie 280,25$ - Code SAQ 15329693 – 14%

Je passe sur l’histoire de ce célèbre domaine pour vous dire que le nouveau «wine maker» Marco Balsimelli, après 17 ans à Bordeaux, revient chez lui pour prendre la relève d’Axel Heinz qui a laissé sa marque sur les vins du joyau de la famille Frescobaldi. Il était au chic restaurant Dorsia pour nous présenter une belle verticale de quatre vins: 2022, 2015, 2005 (mon préféré) et 2001. Soyez sans crainte, la relève est admirablement assurée. Le 2022 – 55% de cabernet-sauvignon, 25% de merlot, 10% de cabernet franc et 10% de petit-verdot – est d’une indéniable beauté. Tout en finesse, avec de la densité, des tanins mûrs, de la complexité, un élevage soigné et superbement intégré. Long et suave avec des notes de fruits noirs, de graphite, d’épices et de violette. J’ai l’impression qu’on gagne en finesse par rapport aux précédents millésimes en jeunesse. Et c’est tant mieux.

★★★★1⁄2 $$$$$

Jean-Marc Brocard, Les Vieilles Vignes de Sainte Claire 2023, Chablis, France 38,75$ - Code SAQ 14406474 – 12,5% - Bio

Rapidement. C’est l’un des plus gros producteurs à Chablis. Malgré de belles parcelles, les vins ont longtemps été quelconques. Plusieurs le sont (malheureusement) encore aujourd’hui. Le potentiel est indéniable. En voici d’ailleurs la preuve. De vieilles vignes cultivées depuis longtemps en bio. Un vin brillant au nez comme en bouche. Une austérité fine qui guide un fruité mûr. C’est bien typé, long et minéral avec des notes de poire, de pomme et de fleur blanche. Ne pas servir trop froid.

★★★ 1⁄2 $$$

Légende

★ Correct

★★ Bon

★★★ Très bon

★★★★ Excellent

★★★★★ Exceptionnel

Plus d’étoiles que de dollars: vaut largement son prix.

Autant d’étoiles que de dollars: vaut son prix.

Moins d’étoiles que de dollars: le vin est cher.