Les gros pollueurs du Québec polluent encore plus
Annabelle Blais, Charles Mathieu | Bureau d'enquête
Depuis 2012, les 100 plus grands pollueurs du Québec n’ont jamais émis autant de gaz à effet de serre, révèle une analyse de notre Bureau d’enquête.
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En 2021, les 100 plus grands pollueurs ont rejeté quelque 21,3 mégatonnes (Mt), le plus haut sommet de la dernière décennie, selon les données du ministère de l’Environnement.
Les grands pollueurs sont surtout des établissements comme les cimenteries, les alumineries et les raffineries.
En 2012, la première année pour laquelle ces chiffres sont disponibles, le top 100 avait émis quelque 21,1 Mt. Puis, les émissions ont diminué pour atteindre 19,8 Mt en 2016. Entre 2016 et 2021, l’augmentation est de l’ordre de 7,5 %, alors que la province devrait au contraire réduire ses GES pour atteindre sa cible.
L’arrêt de plusieurs usines en raison de la pandémie explique une baisse temporaire des émissions (19,9 Mt) en 2020.
Impact important
Selon notre analyse, plus de la moitié des 100 plus grands pollueurs (57) ont augmenté leurs émissions depuis 2012. C’est pratiquement le même nombre si on compare 2019 à 2021 (58).
L’impact des 100 plus grands pollueurs n’est pas négligeable puisqu’ils représentent environ 85 % de tous les GES industriels et le quart de ceux de l’ensemble du Québec.
Le gouvernement caquiste promet une réduction de GES de 54 % par rapport au seuil de 1990 (tous secteurs confondus). Or jusqu’à présent, la réduction n’a été que de 2,6 %.
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Financés par Québec
Plusieurs usines du top 100 ont reçu d’importantes sommes du Fonds vert, aujourd’hui nommé le Fonds d’électrification et de changements climatiques.
La cimenterie McInnis émet à elle seule 1,4 Mt et est maintenant confortablement installée au sommet des plus grands pollueurs, depuis 2020. L’usine continuera d’augmenter ses émissions d’ici 2027 lorsqu’elle aura atteint son plein rendement.
L’usine de Port-Daniel en Gaspésie, aujourd’hui exploitée par Ciment St-Marys, qui appartient au géant brésilien Votorantim, a reçu 25 000 $ du Fonds d’électrification en 2020-2021. La subvention a financé 30 % du coût de la conception et de l’installation de 10 bornes de recharge pour voitures électriques à l’usine.
« Les 70 % restants du projet ont été financés par l’usine », explique le porte-parole de l’entreprise, Christopher Mason.
La demande de subvention a été faite par l’ancienne administration. Pourtant, en 2016, l’ex-PDG Christian Gagnon avait assuré que la cimenterie n’allait pas piger dans ce Fonds. L’usine de Port-Daniel multipliait alors les promesses vertes pour favoriser l’acceptabilité sociale du projet polluant.
Réductions à venir
On trouve également, dans le top 10, Aluminerie Alouette, 3e plus grand pollueur, qui émet près de 8 % de GES de plus qu’en 2012. Ce bilan s’explique notamment par une augmentation de la production, mais aussi par une méthode plus précise d’analyse et de calcul de GES, précise Julie Salesse, directrice Environnement chez Alouette.
L’usine de Sept-Îles a reçu, depuis 2020, 15,7 millions $ du Fonds à travers le programme ÉcoPerformance (Transition énergétique Québec) pour convertir ses fours de cuisson d’anodes au gaz naturel liquéfié, ce qui devrait lui permettre de réduire ses émissions de 18 000 tonnes de GES par année. La valeur totale du projet est de plus de 23 millions $, précise Marie-Claude Guimond, directrice des communications pour l’aluminerie. Les réductions de GES devraient commencer à apparaître partiellement dans le bilan de 2022, puis entièrement en 2023.
Auparavant, les fours à cuisson de l’entreprise fonctionnaient au mazout et le gaz naturel n’était pas, jusqu’alors, présent dans les industries de la Côte-Nord. « Ça fait d’Alouette un précurseur et ça ouvre la porte à différentes possibilités », explique Mme Guimond.
L’entreprise s’est engagée à être carboneutre d’ici 2050.
Parmi les autres grands pollueurs, on retrouve, au 10e rang, Ciment Québec à Saint-Basile dans la région de Portneuf. Elle a augmenté ses GES de près de 34 % par rapport à 2012.
En avril, la cimenterie a reçu 22,5 millions $ du Fonds pour un nouvel atelier de broyage moins polluant. Il devrait être fonctionnel au début de l’année 2024 et promet de réduire 66 200 tonnes de GES par année. Ciment Québec n’a pas répondu à notre demande d’entrevue.
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