Les grèves de 2023 plomberont encore la rentrée qui vient


Antoine Robitaille
C’est l’été, on ne pense plus à l’école. Mais la rentrée s’annonce douloureuse.
D’abord parce que la grève des enseignants n’a pas fini de faire mal aux élèves qu’elle a affectés. Les résultats des examens du ministère de juin, me dit une source sur le terrain, l’indiqueraient déjà. «Nous n’avons jamais eu autant d’échecs, de cours d’été et de demande de révision de notes.»
Au ministère, on nuance: les résultats sont préliminaires. Chose certaine: la performance semble varier selon l’affiliation syndicale de chaque établissement! Les élèves des «écoles FAE» performent un peu moins bien que les autres, c’est-à-dire les FSE-CSQ et les privées.
Rappelons que ces «écoles FAE» furent en grève pendant 23 jours. À cela s’ajoutent les débrayages des employés de soutien (FTQ). Pendant de temps, les «écoles FSE-CSQ» n’ont eu «que» 9 jours de grève générale. Quant au privé... zéro. Déjà aggravées par la pandémie, les inégalités entre les cohortes se sont accrues avec la grève. Une source ironise: «Je crois que c’est l’école à quatre vitesses maintenant...»
Enseignants mieux payés que les cadres!
Ensuite, les augmentations de salaire aux enseignants (17,4 à 24,5% sur cinq ans, selon l’échelon) font des jaloux!
Car avec la bonification et les deniers du plan de rattrapage de Bernard Drainville, certains enseignants d’expérience, permanents, finiront 2024 avec une meilleure rémunération que bien des cadres!
Pourtant, me fait-on valoir, les directrices et directeurs adjoints par exemple, des enseignants avec un minimum de 5 ans d’expérience, doivent avoir (ou compléter) un diplôme d’études supérieures de 2e cycle en gestion d’établissement. Ils travaillent aussi 10 à 15 heures de plus par semaine, notamment l’été; période où les enseignants, eux, ne sont pas au boulot. «Comment convaincre des enseignants de devenir cadres dans ce contexte?», c’est-à-dire plus d’heures travaillées, plus de responsabilités, pour un salaire potentiellement moindre.
Autre négociation
Une source nuance: ce discours participe d’une autre négociation, celle des cadres scolaires, dont les conditions n’ont pas été ajustées depuis que les enseignants sont passés à la caisse. Une négociation entre gouvernement et cadres qui n’est pas «syndicale» comme telle. C’est Québec qui finit par trancher, par le biais d’un règlement. Mais les associations de cadres font pression publiquement pour obtenir des conditions meilleures. En juin, la Fédération québécoise des directions d’établissement (FQDE) a dévoilé les résultats dramatiques d’un sondage qui concluait qu’un nombre «sans précédent» de cadres songeait à quitter leur poste. Son président, Nicolas Prévost, prévoyait, pour l’année 2024-2025, «une vague de démissions» record.
Autre négociation à laquelle Bernard Drainville devra s’attaquer à l’automne 2024.
Bref, plein de jeux de coulisses et de tiraillements politiques à l’horizon. Grenouillages donnant l’impression que «l’élève», sa réussite, n’est pas toujours prioritaire pour bien des acteurs du monde de l’éducation. Ceux-là mêmes qui ne cessent de nous répéter, la main sur le cœur, que «l’élève est au cœur» de toutes leurs préoccupations.