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L'article provient de Le Journal de Montréal
Cuisine

Les fruits et légumes importés vont nous coûter une beurrée

La sécheresse en Californie plus importante cause de l’augmentation des prix

La laitue, les tomates et les petits fruits risquent de nous coûter pas mal plus cher cet hiver. Pour la troisième année de suite, les champs de Californie, comme celui-ci, à Bakersfield, sont en sécheresse sévère.
La laitue, les tomates et les petits fruits risquent de nous coûter pas mal plus cher cet hiver. Pour la troisième année de suite, les champs de Californie, comme celui-ci, à Bakersfield, sont en sécheresse sévère. Photo AFP
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Julien McEvoy et Hélène Schaff

2022-09-10T04:00:00Z
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Avec l’été qui tire à sa fin, les Québécois assisteront bientôt au retour des fruits et légumes importés. Mais attention : le prix des 3 milliards $ de laitue et de petits fruits qu’on achète chaque année en Californie risque de grimper.

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Il faisait 47 °C à Sacramento, mardi. Un record vieux de 100 ans a même été dépassé dans la capitale de la Californie.

Michel Yerxa. Agriculteur californien
Michel Yerxa. Agriculteur californien Photo courtoisie

C’est dans cette région que Michel Yerxa et sa famille font pousser tomates, blé, pastèques, prunes et amandes. Une partie est exportée vers le Canada sous forme de produits frais ou de sauces tomates.

« Ça fait 8 ans que le niveau d’eau baisse chaque année dans les réservoirs, raconte l’agriculteur. Cette année, on a eu 15 % de notre attribution annuelle en irrigation. »

La sécheresse actuelle en Californie est sévère. Elle ne sera pas sans conséquence pour le Québec, qui importe pour près de 3 milliards $ de fruits et légumes en provenance de cet État. 

Moin de terres cultivées

Face à la pénurie, les autorités californiennes régulent l’accès à l’eau. Faute de pluie, les agriculteurs n’ont d’autre choix que de réduire les surfaces cultivées.

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Déjà, les fruits de la Californie sont présents dans une des épiceries Metro de Montréal.
Déjà, les fruits de la Californie sont présents dans une des épiceries Metro de Montréal. Photo courtoisie

On parle de 531 000 acres qui n’ont pas été plantés cette année seulement, soit un bond de 36 % de terres laissées à l’abandon. 

Les agriculteurs californiens redoutent l’avenir puisque les prévisions liées aux changements climatiques font état de davantage de chaleur et de sécheresse.

« C’est épeurant, s’alarme Michel Yerxa. Pour le moment, on peut encore pomper dans la rivière, mais l’année prochaine, c’est fort possible qu’elle soit trop basse. Va-t-on arriver à un point où on ne pourra même plus planter ? »

Laitue à prix d’or

Au Québec, où on importe notamment salades, tomates, raisins et petits fruits de la Californie, les effets se font déjà sentir. Et on est encore loin des niveaux d’importation hivernale.

« La laitue est un marché très difficile déjà en ce moment. Le prix est normalement de 16-18 $ la caisse de 24 laitues, alors qu’il est à 25-28 $ actuellement », souligne Guy Milette, vice-président exécutif chez Courchesne-Larose, un important grossiste au Canada. 

Même chose du côté des fraises et des framboises. «

 La qualité est moindre et l’approvisionnement est difficile », commente Sophie Perreault, qui préside l’Association québécoise de la distribution de fruits et légumes. 

L’Asie et l’Europe aussi

Et il n’y a pas que la Californie. L’Europe et l’Asie aussi sont très sèches. L’Ukraine, qui nourrit habituellement 400 millions de personnes, fonctionne à 50 %. Le Pakistan, où sont produits blé et lentilles, est inondé. 

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L’inflation dans les fruits et légumes n’est donc pas près de se terminer. Et le dollar canadien faiblit, rappelle Sylvain Charlebois, expert en agroalimentaire, ce qui pourrait inciter les épiciers à hausser le prix des produits importés. 

« C’est fini le temps des caisses de clémentines à 2,99 $ dans le temps de Noël », illustre Salvatore Lavorat, vice-président de Gaétan Bono, un important grossiste de fruits et légumes au Québec. 

Bref, « c’est le temps de continuer à acheter local et de stocker », estime Sophie Perreault. Car on ne sait pas ce que l’automne nous réserve et surtout, à quel prix. 

Beaucoup d’incertitude au Québec 

La production de fruits et légumes de la Californie ne sera plus jamais la même en raison du réchauffement de la planète. Les prix ne feront que monter, comme pour les produits d’ici, dont la qualité de la récolte d’hiver est encore incertaine. 

Sylvain Charlebois. Expert et professeur
Sylvain Charlebois. Expert et professeur Photo courtoisie

« Mère Nature n’est pas super gentille, l’été n’a pas été optimum au Québec », avertit Guy Milette, v.-p. exécutif de Courchesne Larose, un des plus gros distributeurs de fruits et de légumes frais au Canada.

Des réponses dans un mois

La qualité de la récolte d’hiver – légumes racines, oignons – va dépendre du soleil et de la chaleur des trois, quatre prochaines semaines, ajoute celui qui préside le conseil d’administration de l’Association canadienne de la distribution de fruits et légumes.

« Je suis content de ne pas être agriculteur », dit-il du difficile métier qui le fait vivre. 

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Si la récolte est mauvaise, on trouvera moins de produits frais d’ici sur nos étals. Le prix va s’en ressentir, et pas qu’un peu. 

« On saura de combien ça va faire mal à la fin de l’automne et au début de l’hiver », ajoute un autre expert du secteur, l’incontournable Sylvain Charlebois. 

Le marché mondial des céréales – blé, canola, orge, maïs – va aussi connaître une mauvaise saison, rappelle le directeur du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie, ce qui va « compliquer la vie des transformateurs ».

De retour au Québec, les changements climatiques se font aussi sentir. 

« Il pleut deux semaines et il fait sec deux semaines. Les changements de température sont drastiques. On ne voyait pas ça avant », relate Robert Arcand, un agriculteur spécialisé dans l’oignon depuis plus de 25 ans. 

Le printemps a été dur à Farnham, où ses champs se trouvent. La pluie abondante a causé bien du souci, car l’oignon est sensible et peut vite devenir malade. 

Il lui faut du beau temps d’ici le gel, à la mi-octobre. « J’ai besoin de beau temps sec, sinon la récolte va en souffrir », dit-il. Pas de beau temps, pas de bas prix. 

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