Les frappes ukrainiennes en Russie autorisées par les Occidentaux pourraient-elles mener à la 3e Guerre mondiale?


Samuel Roberge
L’armée ukrainienne a immédiatement procédé à des frappes sur le sol russe dans la région de Belgorod après avoir reçu l’autorisation des Occidentaux pour utiliser leurs armes pour ce type de manœuvre militaire. Toutefois, l’utilisation des missiles américains ATACMS, entre autres, sur des sites en Russie pourrait-elle mener à une escalade du conflit ou même à une implication des États-Unis dans la guerre en Ukraine et de facto à une possible 3e Guerre mondiale?
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Selon l’ex-aviateur militaire et rédacteur en chef de la revue Air et Cosmos, Xavier Tytelman, cette autorisation de Washington ne risque pas de mener à une expansion de la guerre.
«Il n’y a pas d’escalade dans le sens où on suit les Russes, a affirmé le consultant en défense aérospatiale sur les ondes de LCI. Les Russes se permettent d’utiliser des armes iraniennes à très longue portée – à plus de 300km de portée – nous, on restreint l’efficacité de nos armes.»
«On n’est même pas sur un parallèle avec ce que font les Russes, a-t-il poursuivi. Donc il n’y a pas d’escalade. On suit très doucement, de très loin, ce que font les Russes et ils font 100 fois pires. Il n’y aura jamais d’escalade si on fait moins qu’eux. Si demain on autorise les Ukrainiens à lancer des missiles de 600km pour bombarder Moscou, là il y a une escalade, mais on n’est pas du tout à ce niveau-là.»
D’après l’analyste qui ne cache pas ses positions pro-ukrainiennes, les vrais risques d’escalade seraient plutôt occasionnés par une Russie gagnante. «Si la Russie arrive à arrêter de perdre ses troupes, dans trois ans, elle a un million d’hommes et des milliers de chars et là il y a une menace pour nous. Nous, on évite l’escalade en empêchant l’Ukraine de s’effondrer», a indiqué M. Tytelman.
Se battre «avec une main attachée dans le dos»
Néanmoins, la menace nucléaire continue de planer dans les discours des dirigeants russes, mais ce sont des déclarations avec lesquelles les alliés de l’OTAN sont maintenant habitués de manœuvrer depuis le début du conflit.
«Poutine agite aussi et encore le spectre d’une troisième guerre mondiale que la Russie ne peut que craindre vu son échec contre la seule Ukraine, a soutenu l’ancien officier français et écrivain, Guillaume Ancel. Tout cela manifeste surtout une forme de faiblesse et de crainte de la Russie dans une guerre dont elle est seule responsable et qu’elle ne peut pas perdre sans que Poutine ne perde le pouvoir.»
Dans les lignes de son billet publié sur son blogue Ne pas subir, le chroniqueur écrit que cette autorisation des Occidentaux permet aux Ukrainiens de «ne pas combattre avec une main attachée dans le dos».
Après discussions intenses au sein des alliés, qui cherchent une forme de cohérence, le président Biden a enfin décidé que les Ukr pouvaient utiliser les armes US contre des cibles militaires en Russie à condition qu’elles menacent directement l’Ukr (zone de combat frontalière) pic.twitter.com/3bCeChIG5o
— Guillaume ANCEL 🌊 (@guillaume_ancel) June 1, 2024
L’offensive russe lancée au début du mois de mai contre Kharkiv, la deuxième plus grande ville de l’Ukraine, a largement allongé la ligne de front qui s’étendait déjà sur près de 1200 km. Cependant, la particularité de ce nouveau front consiste en l’endroit où sont amassées les troupes russes. Le regroupement pour cette attaque s’est fait dans la région de Belgorod, en Russie, à la frontière avec l’Ukraine.
Depuis le début du conflit, les Ukrainiens n’étaient pas autorisés à utiliser les armes occidentales sur le sol russe. Les frappes qui avaient été menées en Russie jusqu’à présent avaient toutes été organisées à l’aide de drones et d’équipements qui ont été développés en Ukraine.
«Après des discussions intenses au sein des alliés, qui cherchent une forme de cohérence pour que les Ukrainiens ne se voient pas contraints par des règles qui seraient différentes selon la provenance de chaque armement, le président Joe Biden a enfin décidé (avec application immédiate) que les Ukrainiens pouvaient utiliser les armes américaines contre des cibles militaires en Russie à condition qu’elles menacent directement l’Ukraine (ce qui veut dire qu’elles sont à proximité de la zone de combat frontalière)», a expliqué M. Ancel.

«Une énorme erreur stratégique»
Dès samedi, après avoir reçu le «go» des États-Unis vendredi, l’armée ukrainienne a procédé à des frappes sur la région de Belgorod, selon le journaliste de Forbes, David Axe.
Les résultats de ces frappes sont toujours cachés par le brouillard de la guerre, mais d’après le magazine américain, les médias russes ont rapporté que 14 roquettes ont été interceptées et que des fragments de missiles occidentaux ont été retrouvés sur le sol russe.
On Friday, Ukraine got permission to launch American rockets at targets inside Russia. Hours later, Ukraine’s HIMARS opened fire. @forbes #ukraine https://t.co/TpgvCNM8Z2 pic.twitter.com/vFnBbE2Vei
— David Axe (@daxe) June 1, 2024
L’un des blogueurs russes qui a transmis l’information sur la chaine propagandiste Rossiya 24 a même avancé que Kyïv «a mené des frappes sur le territoire de la région de Belgorod à l’aide d’obus tirés par le lance-roquette de type HIMARS de fabrication américaine».
«Nous avons la preuve que l’une des frappes a été menée à l’aide de ces mêmes obus et de ces mêmes systèmes», a-t-il ajouté en précisant que ces équipements de haute précision sont utilisés par des experts américains et non par l’armée ukrainienne, d’après la traduction de la chaine française LCI, ce qui impliquerait directement les Américains dans le conflit.
Malgré tout, cette stratégie de bombarder directement les positions militaires en Russie pourrait arrêter cette nouvelle offensive de Moscou, soutient le consultant militaire et ancien colonel français, Michel Goya.
«Les Russes ne font pas forcément des trucs intelligents, contrairement à ce qu’on a toujours pensé, a-t-il avancé sur les ondes de la chaine française. Le fait d’attaquer et de bombarder Kharkiv s’avère très clairement, maintenant, une énorme erreur stratégique.»
«Ç'a servi de prétexte à un élargissement des règles d’engagement et finalement ça s’est avéré très contre-productif pour la Russie», a poursuivi M. Goya.