Les fonctionnaires fédéraux se plaignent le ventre plein


Michel Girard
Le directeur parlementaire du budget (DPB), Yves Giroux, calcule que les dépenses fédérales consacrées aux salaires et aux avantages sociaux des fonctionnaires s’élevaient en 2022-2023 à quelque 55 milliards $, soit « environ 130 000 $ » par équivalent d’employé à temps plein.
Avant de dire que le DPB charrie avec ses gros chiffres, sachez qu’à titre d’agent du Parlement du Canada, il est « neutre, non partisan et indépendant du gouvernement, il assiste les sénateurs et députés dans leur travail ».
Qu’à cela ne tienne, au sein de l’effectif de la fonction publique fédérale, les 155 000 membres de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) ont décidé, eux, de déclencher cette semaine une grève générale sous prétexte qu’ils se sentent sous-payés.
Ils veulent 13,5 %
Les grévistes réclament une hausse de salaire de 13,5 % pour les trois années allant de 2021 à 2023 alors que le gouvernement de Justin Trudeau leur offre une augmentation de 9,25 %.
À combien s’élève le coût de leurs revendications ? Cela représenterait, selon le Secrétariat du Conseil du trésor du Canada, une facture de 9,3 milliards $ pour les trois années allant de 2021 à 2023, avait-on répondu au journaliste Antoine Trépanier, du Droit.
Par tête de fonctionnaire fédéral, j’ai calculé que cela équivaut à un supplément de revenu moyen de quelque 22 000 $. En me basant sur le « coût des salaires des fonctionnaires » projeté par le DPB Yves Giroux, cela porterait à 152 000 $ la rémunération moyenne d’un fonctionnaire fédéral à temps plein.
La rémunération moyenne laisse évidemment entendre que des fonctionnaires fédéraux gagnent nettement moins que ladite moyenne, et d’autres nettement plus !
Agitant drapeaux et pancartes avec la conviction d’être financièrement maltraités en cette période inflationniste, les 155 000 grévistes fédéraux sont « crinqués ben raide » contre leur méchant employeur, le gouvernement fédéral.
- Écoutez la chronique économique de Michel Girard, chroniqueur économique au Journal de Montréal et au Journal de Québec au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB radio :
Comparaison oblige
Le problème ? Quand on mène une telle lutte contre le gouvernement fédéral, on se « bat » implicitement contre l’ensemble des contribuables canadiens qui paient leurs salaires et avantages sociaux avec les impôts et taxes perçus par le gouvernement fédéral.
Et quand on compare la rémunération globale (salaires, régime de retraite, avantages sociaux) des fonctionnaires fédéraux à celle qu’encaissent les autres salariés pour des fonctions similaires, force est de constater qu’ils sont mieux rémunérés que la majorité des autres salariés canadiens.
Sur quoi je me base pour affirmer cela ? Sur l’édition 2022 du rapport Rémunération des salariés – État et évolution comparés que l’Institut de la statistique du Québec a publié sur la comparaison des salaires et de la rémunération globale des salariés syndiqués de l’Administration québécoise avec ceux des autres salariés du marché du travail québécois.
À preuve
Ainsi pour des catégories d’emplois similaires (professionnels, techniciens, employés de bureau, employés de service, ouvriers), les fonctionnaires fédéraux qui travaillent au Québec gagnent une rémunération globale qui dépasse de 11,6 % celle de la fonction publique et parapublique québécoise.
Au chapitre des salaires, les fonctionnaires fédéraux gagnent 17,5 % de plus que les fonctionnaires du Québec.
Les « fédéraux » pourraient alléguer qu’ils n’en ont évidemment rien à foutre de voir que les fonctionnaires de Québec sont vraiment sous-payés par rapport à eux.
- Ne manquez pas la chronique économique de Michel Girard, chroniqueur économique au Journal de Montréal et au Journal de Québec au micro de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio :
Carrément gênant
Là où ça devient plus gênant pour les fonctionnaires fédéraux de revendiquer une hausse majeure de salaire, c’est lorsqu’on compare leur rémunération à celle de la masse des salariés, c’est-à-dire ceux du secteur privé.
Sur l’ensemble des salariés, il faut savoir que les employés (salariés) du secteur privé représentent 76 % de tous les salariés au Canada.
À comparer aux salariés du secteur privé qui travaillent au Québec dans les entreprises de 200 employés et plus, les fonctionnaires fédéraux gagnent 15,6 % de plus au chapitre de la rémunération globale. Cela comprend un écart de salaire de 9,8 % en faveur des employés du gouvernement fédéral.
Parenthèse : les écarts de salaire et de rémunération globale avec le secteur privé varient selon que les salariés sont syndiqués (à peine 18,6 % des hommes et 10,2 % des femmes) ou non syndiqués.
Au chapitre des salaires, les fonctionnaires fédéraux encaissent 3,2 % de plus que les salariés syndiqués du privé et 10,2 % de plus que les salariés non syndiqués. En matière de rémunération globale, l’écart en faveur des fonctionnaires du fédéral va de 2,3 % par rapport aux syndiqués du privé à 17,6 % par rapport aux non-syndiqués.
Pire encore, les écarts de rémunération et de salaire avantagent encore plus les fonctionnaires du fédéral lorsqu’on fait référence aux employés travaillant dans les entreprises de moins de 200 travailleurs, lesquels représentent plus de 70 % de tous les employés du secteur privé.