Les femmes du nouveau millénaire à l’écran

Isabelle Hontebeyrie
Depuis les dernières décennies, la représentation des femmes au grand écran a bien changé. En ce Mois de l’histoire des femmes, placé chez nous sous le thème «On influence», plongeons dans les archives d’Hollywood afin de mesurer le chemin parcouru.
Le chemin parcouru, nous en avons un aperçu avec «Being the Ricardos», film d’Aaron Sorkin avec Nicole Kidman en Lucille Ball, vedette de la télévision américaine dans les années 1950 que les patrons des studios de l’époque veulent stupide, docile et, surtout, pas enceinte à l’écran. Autre retour dans le passé, celui effectué par Jessica Chastain, parfaite en femme de prédicateur évangélique dans les années 1960, 1970 et 1980 dans «The Eyes of Tammy Faye». La réalité crue de l’avortement illégal dans la France des années 1960 est présentée dans l’excellent «L’événement», actuellement en salle.
La maternité est un sujet qui désormais échappe au traitement traditionnel. À l’image de la mauvaise mère abandonnant son fils dans «Kramer contre Kramer» en 1979, Maggie Gyllenhaal lui oppose celle, tout en nuances, d’Olivia Colman dans «Poupée volée», de même que Pablo Larrain et Kristen Stewart offrent le portrait d’une Diana choisissant sa santé mentale et physique dans «Spencer». De plus, Pedro Almodovar et Penélope Cruz proposent également un portrait tant historique que moderne et dynamique de mères monoparentales dans «Mères parallèles». Julie Delpy, elle, s’essaye avec intelligence et subtilité à la science-fiction avec «Ma Zoé», soulevant au passage d’importantes questions éthiques sur la parentalité.
Action!
1979, c’est aussi l’année du premier «Alien» de Ridley Scott dans lequel Sigourney Weaver en Ripley offre un modèle d’héroïne inédit. Mais les patrons des studios peinent à en faire une norme. «Terminator 2: Le Jugement dernier» de James Cameron en 1991, «G.I. Jane» encore de Ridley Scott en 1997 ou encore «Tuer Bill» de Quentin Tarantino en 2003 demeurent des exceptions. Le passage de l’an 2000 est marqué par l’adaptation de jeux vidéos à succès mettant en vedette des femmes, «Lara Croft: Tomb Raider» déboule en 2001 et «Les Créatures maléfiques» arrive l’année suivante. Il faut ensuite attendre une décennie avant d’avoir droit à des films d’action féminins dignes de ce nom avec «Hanna» en 2011, «Lucy» en 2014 ou encore le très bon «Blonde atomique» en 2017. Les jeunes femmes effectuent également leurs premières incursions dans ce genre avec la saga «Hunger Games» de 2012 à 2015.
Et «Les 355», sorti à la réouverture des salles il y a quelques semaines, produit par Jessica Chastain et mettant en vedette un groupe de cinq femmes traquant des terroristes prouvent, au-delà de tout doute, qu’un film d’action féminin vaut largement son équivalent masculin.
Ce n’est qu’en 2017 – oublions les navets que sont «Catwoman» et «Elektra» – que la première super héroïne a droit à un film réussi qui lui est entièrement consacré lorsque Gal Gadot endosse le costume de Wonder Woman. DC et Warner continuent et offrent, en 2020, «Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn» mettant en vedette un ensemble de personnages féminins. Marvel s’empresse alors de rattraper son retard avec «Capitaine Marvel» en 2019 puis avec «Black Widow» l’an dernier.
Maintenant que l’action et les super héros ne sont plus des domaines réservés aux hommes, on voit apparaître des longs métrages traitant de la violence au féminin, l’un des derniers sujets tabous. Qu’il s’agisse de «Nation destruction» en 2018, «Une Jeune femme pleine de promesses» en 2020, «Une dernière nuit à Soho», «Titane» ou «Zola», tous deux sortis au cours des derniers mois, les femmes ont désormais le droit d’explorer tous les côtés de leur personnalité, y compris les plus sombres.
La télévision, toujours en avance sur le cinéma, propose désormais des représentations féminines complexes, notamment dans l’impressionnante «Genera+ion» de HBO, incluant des personnages trans dans la remarquable série «Euphoria» de Sam Levinson, le réalisateur de «Nation destruction» – et non binaires – Asia Kate Dillon dans l’excellente «Billions». Pas de doute, une révolution est en marche et il était temps.