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L'article provient de TVA Nouvelles
Monde

Les exilés russes s'inquiètent du «scénario» à l'œuvre en Géorgie

AFP
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Agence France Presse

2024-05-19T06:13:04Z
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Comme Ivan, 37 ans, nombre de Russes opposés au Kremlin et réfugiés en Géorgie observent avec envie les manifestations que suscite depuis des semaines dans ce pays une loi censée lutter ici aussi contre «l'influence étrangère», mais disent leur inquiétude de voir se répéter un scénario d'usure qu'ils ont vécu chez eux. 

«Je sais exactement quelles sont les conséquences d'une telle loi», dit Ivan, en pleine manifestation à Tbilissi contre le texte voté cette semaine pour contrôler les ONG et les médias recevant des financements de l'étranger et que l'opposition géorgienne dit calquée sur une législation russe qui a contribué à réduire au silence en quelques années la société civile en Russie.

Comme des milliers d'autres Russes, Ivan, qui ne veut pas donner son nom de famille de peur de représailles contre ses proches, a quitté la Russie après que le Kremlin a déclenché en février 2022 son opération militaire en Ukraine et une nouvelle vague de répression. Nombre d'entre eux ont aussi fui la mobilisation qui menaçait de les plonger dans cette guerre meurtrière.

Ivan et son ami Sergueï, un Russe d'origine ukrainienne, ont participé aux manifestations de Tbilissi, dans lesquelles des milliers de Géorgiens scandaient «Non à la loi russe !».

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«J'ai parfois été pris de jalousie parce que les gens ne sont pas sortis dans les rues comme ça en Russie», dit Sergueï, âgé lui aussi d'une trentaine d'années. «Et puis ces lois ont malheureusement été adoptées. Nous voyons ce qu'il advient maintenant, comment elles sont utilisées», ajoute-t-il.

La loi russe sur les «agents de l'étranger» avait en fait été votée en 2012 en Russie après plusieurs mois de manifestations massives à Moscou contre des fraudes présumées aux élections et une nouvelle élection de Vladimir Poutine. Cette mobilisation avait été finalement étouffée par la force, plusieurs lois répressives avaient été votées et les manifestations sont désormais impossibles en Russie.

«Je ne veux pas voir la Géorgie devenir une autre Russie ou un autre Bélarus», lance Sergueï.

«Notre scénario russe»

Certains Russes ont rejoint les manifestants géorgiens, mais d'autres les soutiennent tout en se gardant de participer.

Ivan confie que l'atmosphère de ces rassemblements le rend «nostalgique» des dernières manifestations de 2017 et 2019 à Moscou, organisées pour l'essentiel par Alexeï Navalny, un opposant charismatique par la suite empoisonné en Sibérie, puis emprisonné pour «extrémisme» et finalement mort dans des circonstances obscures dans un camp de détention de l'Arctique en février dernier.

«Tout cela peut changer en un claquement de doigts», s'inquiète l'exilé russe, craignant que les Géorgiens ne s'épuisent à lutter pour leurs droits comme cela s'est progressivement produit en Russie.

«J'ai compris que notre scénario russe se répète ici», dit Maria Makarova, qui a travaillé pour l'organisation d'Alexeï Navalny à Tcheliabinsk, dans l'Oural, mais a dû fuir son pays en janvier 2022 après que celle-ci a été déclarée «extrémiste» et qu'un de ses collègues a été arrêté.

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«Cela a été effrayant de voir réapparaître ici la loi sur les "agents de l'étranger"», dit-elle, dans un appartement partagé avec deux autres militantes d'opposition russe.

«Le pire est que les motivations sont les mêmes», ajoute-t-elle.

«Russians go home !»

Pour défendre sa loi, le gouvernement géorgien a accusé les opposants d'être dirigés de l'étranger et les ONG de fomenter une révolution.

Pour les exilés russes, cela rappelle la manière dont une chape de plomb est tombée sur leur pays.

«J'ai vu mon pays sombrer lentement dans la dictature, comment l'étau s'est progressivement resserré», dit Maria Makarova.

«En Russie, la peur est omniprésente», rappelle Maria, une autre exilée qui ne souhaite pas non plus donner son nom de famille.

«Cette peur n'est interrompue par moment que par la joie de ne pas avoir été arrêté ou battu», poursuit dans un rire nerveux cette femme de 25 ans.

Pour autant, la situation des exilés russes à Tbilissi, la capitale d'un pays du Caucase qui ne s'est libéré de la domination russe qu'à la chute du régime soviétique en 1991 et qui a connu une intervention de l'armée russe en 2008, n'est pas si tranquille.

Quoiqu'ayant fui leur pays, leur présence n'est pas exempte de tensions, avec des graffitis dans la ville : «Russians go home !»

«Nous sommes à la fois des frères et des ennemis pour eux», relève un artiste russe de 26 ans, qui se présente sous le pseudonyme de «Grey».

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