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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

«Les étrangers d’ici» : la Petite Italie dans les années 1940

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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-08-19T04:00:00Z
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Autrice de nombreux romans d’époque à succès, Marylène Pion revient en force avec une histoire bouleversante plongeant droit dans la Petite Italie des années 1940 : Les étrangers d’ici. Son récit, basé sur des faits réels, fait la lumière sur un épisode sombre de l’histoire canadienne survenu pendant la Seconde Guerre mondiale. La romancière met à l’honneur le courage et la résilience de toute une communauté, qui s’est retroussé les manches pour faire face aux injustices.

À Montréal en 1940, Galileo et Giulia Rizzoli tiennent une boulangerie dans le quartier de la Petite Italie. Ils sont arrivés au Canada 18 ans plus tôt et ont refait leur vie, en travaillant sans relâche. Leur petit commerce leur permet de vivre modestement et de nourrir leur famille de cinq enfants.

Leur vie quotidienne prend un tournant dramatique après la visite des agents fédéraux qui procèdent à l’arrestation, sans explication, de Galileo et de son fils, Enzo.

Giulia, atterrée, devra désormais s’occu-per toute seule de la boulangerie et des enfants. La famille, rongée par l’inquiétude, restera sans nouvelles des deux hommes pendant des mois. Et comme un malheur ne vient jamais seul, les clients évitent maintenant son commerce, craignant d’être associés à un clan suspect.

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Des milliers d’arrestations

Marylène Pion s’est inspirée d’une période mouvementée de l’histoire pour écrire ce roman. En juin 1940, lorsque l’Italie entre en guerre contre les forces alliées, les Italo-Canadiens sont devenus suspects après l’application de la Loi sur les mesures de guerre

Près de 31 000 hommes, soupçonnés d’être des partisans de Mussolini, ont été désignés comme des « étrangers ennemis » et ont dû se rapporter à la GRC.

Plus de 600 d’entre eux ont été détenus dans des camps de prisonniers tandis que leurs conjointes, sans nouvelles, ont dû encaisser le choc et subvenir aux besoins de leur famille.

Marylène Pion a eu envie de raconter leur histoire après avoir appris que le premier ministre, Justin Trudeau, avait adressé en 2021 des excuses officielles aux familles italo-canadiennes, à la Chambre des communes, pour ces emprisonnements injustifiés.

Sur internet, elle a trouvé des témoignages de gens emprisonnés à travers le Canada. 

« J’ai lu plusieurs témoignages et j’ai réussi à créer mes personnages en m’inspirant de ces vraies gens », explique-t-elle. « Il y a eu 600 Montréalais qui ont été arrêtés. D’après mes recherches, la GRC avait déjà la liste de ces gens. Quand l’Italie a déclaré la guerre et s’est alliée à l’Allemagne, les gens ont été arrêtés le soir même. Les listes étaient prêtes. La GRC a débarqué. Il y en a sûrement qui ont tenté de ne pas se faire arrêter, mais ça s’est fait quand même de façon pacifique. »

« J’ai fouillé dans les journaux et on n’en parle pas beaucoup. On dit : “On a arrêté des fascistes”. Il y a beaucoup d’hommes qui étaient immigrants et qui étaient nés en Italie. Mais d’autres n’étaient même pas nés en Italie. Ils étaient ici et avaient peut-être un petit peu de famille à l’étranger, ce qui faisait craindre qu’ils puissent communiquer avec eux et transmettre des informations... on voulait les surveiller. »

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Marylène Pion fait remarquer que l’Italie faisait partie des Alliés pendant la Première Guerre mondiale. 

« En anglais, on disait qu’ils étaient des Enemy Alien, des étrangers ennemis. Il y en a eu partout au Canada, mais à Montréal, c’était particulier parce que la communauté italienne était importante. »

« Ils ont été arrêtés ce soir-là, emmenés au quartier général de la GRC. Après ils ont été transférés en prison puis envoyés au camp de Petawawa, pour la plupart. Le maire de Montréal, Camilien Houde, avait aussi été arrêté. Il était contre la conscription et il était ami avec les communautés italiennes. Il a aussi été emprisonné. Je trouvais que c’était important de raconter ça. » 


♦ Marylène Pion a écrit plusieurs romans à succès, dont la série Les lumières du Ritz, Rumeurs d’un village, Les infirmières de Notre-Dame.

♦ Elle habite à Saint-Jean-sur-Richelieu.

♦ La série Les lumières du Ritz sera bientôt publiée en France.

♦ Elle termine les corrections d’un roman à paraître cet automne et travaille sur un autre roman à paraître au printemps. Occupée !

EXTRAIT

Photo fournie par Les Éditeurs réunis
Photo fournie par Les Éditeurs réunis

« Giulia étira son bras sur le drap de coton, espérant toucher la poitrine apaisante de son mari qui dormait à ses côtés. La place était vide et les draps, froids. Giulia se redressa en sursaut dans son lit. Elle avait cru rêver ce qui s’était passé la veille, mais l’absence de Galileo dans le lit à cette heure lui confirma que tout ceci était bien réel. Son homme n’était pas rentré depuis hier soir. Après que les agents de la gendarmerie eurent emmené Enzo, Giulia s’était efforcée de conserver son calme en attendant le retour de Galileo de la boulangerie. Elle avait fini par servir le repas parce que les plus jeunes avaient faim. »

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