CF Montréal: les dossiers de Gervais
Le nouveau président du CF Montréal a du pain sur la planche

Dave Lévesque
Gabriel Gervais est entré officiellement en poste comme président et chef de la direction du CF Montréal il y a moins de deux semaines et il a déjà de la broue dans le toupet.
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« J’étais sur un nuage, a-t-il admis. Quand l’annonce a été faite, j’étais soulagé parce que ça faisait un petit moment que je le savais et que je ne pouvais pas le dire. Il y a beaucoup de dossiers à attaquer. »
Gervais est calme, posé et chaleureux tout au long de la conversion d’une trentaine de minutes, qui se déroule via Zoom parce que son emploi du temps est réglé au quart de tour.
On peut dire qu’il ne manque pas de priorités à ses premières semaines à la direction du club. On peut penser à l’image de marque de celui-ci, aux liens à rebâtir avec les partisans, la communauté et le monde des affaires, de même qu’un stade Saputo à rajeunir et une équipe administrative qui a besoin de sang neuf.
Différent
Bref, Gabriel Gervais arrive dans une maison qui a besoin de rénovations, mais il estime que la situation n’est pas alarmante.
Il a déjà connu pire. Comme joueur, il est arrivé chez l’Impact en 2002 alors que l’équipe était en faillite et sous tutelle.
« Ce n’est pas exactement la même situation, assure-t-il. La mission de redonner à la communauté reste la même par contre. »
Et c’est un peu comme une marotte pour lui, on sent que cet aspect lui tient particulièrement à cœur.
« Il faut rafraîchir notre mission et bien la faire comprendre à l’interne. Notre but est de ramener le plus haut niveau de soccer à la ville. Cette mission avait attiré des partenaires à l’époque. »
Rencontres
Un des dossiers les plus importants sur la pile qui encombre son bureau est celui de l’identité du club. Celle-ci a un peu été perdue dans un changement de nom et de logo raté.
Il mentionne d’ailleurs que des étapes ont déjà été franchies afin de calmer le jeu.
« Si je prends un peu de recul, avec les échos que nos partenaires et nos fans ont partagés, on a déjà fait un changement. Le bleu est de retour dans notre campagne publicitaire.
« L’identité revient aussi avec la clarification de la mission. Redonner à la communauté le plus haut niveau de soccer possible. Il faut juste le vulgariser et le rafraîchir d’une façon que tout le monde comprend. »
Les partisans
Pour bien reconstruire l’identité soccer du club et de la ville, il va devoir rencontrer beaucoup de monde, à commencer par les partisans qui ont été échaudés par le changement d’identité.
Il ne se berce pas d’illusions, le fait qu’il soit un ancien joueur n’aura pas nécessairement un effet facilitateur auprès des partisans et plus particulièrement des Ultras, qui boudent toujours le club.
« Je ne le sais pas honnêtement parce que je ne sais pas si ce sont les mêmes fondateurs. Je vais leur parler, je veux aussi parler aux autres supporteurs.
« Mais juste de dire que c’est Gabriel Gervais, un ancien joueur qui a connu les Ultras, je ne crois pas que ça soit suffisant. »
Il ne s’en cache pas, il rêve, tout comme Joey Saputo, d’une grosse section du stade Saputo où tous les partisans seraient réunis.
« On peut aider le club en étant ensemble bruyant, on veut mettre cette culture en place et je souhaite de tout cœur qu’ils soient de retour. »
Roulement
Autre défi pour Gabriel Gervais, il va devoir reconstruire une partie de l’équipe dans les bureaux du club.
« Je savais, en toute transparence, qu’il y avait un bon taux de roulement et qu’il y avait plusieurs postes à combler. Je savais qu’il y avait plusieurs de nos gens qui prenaient les bouchées doubles et qui étaient à bout de souffle. »
Il pourra bâtir son équipe à son image en plus de trouver une stabilité qui est nécessaire.
« Avec le taux de roulement élevé de l’équipe administrative, ce n’est pas facile de tisser des liens. »
Développer les jeunes joueurs

L’une des missions que Gabriel Gervais se donne est de retrouver la pertinence du CF Montréal dans le monde du soccer montréalais et québécois.
Il n’a pas à regarder bien loin pour trouver un allié de taille puisque l’académie du club lui fournit de la matière première de qualité. On pense à des jeunes comme Mathieu Choinière qui est un régulier quand il n’est pas blessé.
Gabriel Gervais trace un parallèle entre le développement des académies et l’essor du programme national masculin.
« Si on regarde le succès de l’équipe canadienne, ce n’est pas une coïncidence si ça arrive avec la montée des académies au pays. Certains sont partis en Europe, on peut penser à Alphonso Davies qui est au Bayern. »
Rouages
Ce que Gabriel Gervais constate, c’est que les jeunes joueurs développés à l’interne ne sont plus là juste pour remplir des chandails ou des places au sein de l’effectif.
« Les joueurs ne sont pas juste là pour boucher des trous. Ils sont réguliers, ils jouent en équipe nationale et ils vont aller à la Coupe du monde. »
Le club a tout mis en place pour que les espoirs se développent, et même ceux qui ne sont pas formés au club progressent bien.
« Ismaël Koné n’a que 19 ans et ça va vite pour lui. Mathieu est un autre bon exemple, il a grandi à l’académie et il est super tranquille et je suis sûr qu’il est à la porte de l’équipe nationale. »
Club formateur
Contraint par un budget plus restreint que plusieurs autres clubs de la MLS, le CF Montréal a pris le parti de devenir un club formateur qui s’appuie beaucoup sur ses jeunes.
Dans cet esprit, l’académie est une pièce importante du casse-tête. Et l’idée n’est pas seulement de développer pour le club. On voit plus loin.
« C’est notre moteur pour développer de jeunes professionnels. Ils ne le deviendront pas tous, mais ça peut leur ouvrir des portes pour des bourses dans des universités américaines par exemple.
« On forme nos joueurs. Il y en a certains qui vont être très solides en MLS. Ce ne sont pas tous les joueurs qui vont aller en Europe. »
Potentiel
N’empêche qu’il y a un potentiel économique intéressant quand on pense que la vente d’un joueur peut générer plusieurs millions de dollars dans certains cas.
« Oui, il y a un volet financier parce que la ligne de revenus pour un joueur vendu peut être importante pour l’équipe. »
Et au-delà de l’argent, il espère que les jeunes qui se serviront du CF Montréal comme tremplin en seront ensuite les porte-étendard.
« Il y a des jeunes qui seront de passage, mais qui vont laisser un héritage avec nous. »
Un stade Saputo qui doit rajeunir
On ne peut pas le cacher, le stade Saputo est désormais à la traîne quand on regarde les nouveaux stades qui sont apparus dans la MLS ces dernières années.
On peut penser au TQL Stadium de Cincinnati qui peut accueillir 26 000 spectateurs et qui a été construit au coût de 250 M$ US. Toujours en Ohio, il y a aussi le Lower.com Field de Columbus, construit au coût de 314 M$ US et qui accueille 20 371 spectateurs.
« On est rendu à l’étape où il faut remonter la barre qui est déjà haute », reconnaît Gabriel Gervais en ajoutant que le club a des contraintes.
« Ultimement, il faut qu’il y ait un retour sur l’investissement. Il y a le bail et le Parc olympique qui rendent le dossier un peu plus complexe. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. »
Progrès
Gervais se dit optimiste de voir le dossier progresser et soutient que Joey Saputo veut apporter des améliorations. « Joey Saputo et sa famille sont constamment en réflexion pour voir comment ils peuvent améliorer l’expérience. »
Comme c’est un thème qui est revenu tout au long de la discussion, quand le stade Saputo sera amélioré, il faudra tout de même qu’on respecte son identité puisqu’il est l’un des plus intimistes de la MLS.
« Tu peux sentir le gazon des estrades et c’est l’fun. Il y a des limites au point de vue du terrain parce qu’on est serré [dans l’espace]. Il y a une façon de garder l’intimité, d’augmenter la capacité et d’améliorer la logistique. »
Satisfait
Le dossier du personnel technique est tout aussi important et Gabriel Gervais adhère entièrement au virage jeunesse prôné par le directeur sportif, Olivier Renard, et l’entraîneur-chef, Wilfried Nancy.
« J’embarque à 100 % dans leur philosophie, c’est pareil à ce qu’on avait en 2002. On avait Jason Di Tulio à 17 ans et Adam Braz partant comme central à 20 ans. J’avais 24 ou 25 ans et j’étais déjà considéré comme un vétéran et j’avais joué deux saisons à Rochester. »
Il aime d’ailleurs beaucoup le style de jeu proposé par l’équipe, d’autant plus que celle-ci semble être en train de trouver son identité.
« On a souvent plus de possession de balle, même contre les équipes mexicaines et j’aime beaucoup ça. Quand on commence à bouger la balle et garder la possession, on est très difficiles à battre. »
Et à travers tout ça, il y a le contrat d’Olivier Renard qui vient à échéance à la fin de la saison. « L’intention est de garder Olivier à long terme. Il faut trouver une bonne situation pour sa famille et pour lui. Il veut rester. »