Les dépanneurs en furie contre Québec
Des allégements réglementaires inscrits au feuilleton vont faire mal à 6000 PME


Julien McEvoy
Déjà que la vie de dépanneur est dure, Québec prépare des allégements réglementaires qui vont nuire à 6000 dépanneurs en permettant aux épiceries de faire travailler plus de quatre employés le soir.
«Quatre employés? Moi, je fais ça tout le temps, la job de quatre», rigole d’un ton sérieux Li Xin, du dépanneur Xin-Xin, dans le quartier Rosemont, à Montréal.
Le Québécois d’origine chinoise de 43 ans est connu dans le coin pour son «Salut, mon frère!» qui vient du cœur. Xin gère son dépanneur avec sa femme depuis qu’ils sont arrivés au Québec, il y a 12 ans.
«C’est pas une job facile, mon frère. Ça fait au moins huit dépanneurs qui ferment dans le quartier depuis qu’on est là», raconte ce diplômé en économie de l’Université de Picardie Jules Verne, en France.

L’allégement de Québec n’annonce rien de bon pour le commerçant de la rue Dandurand, car les épiceries pourront marcher sur ses plates-bandes à leur guise.
«Les gens viennent un peu plus après 21h», note, pour l’instant, celui dont les ventes sont tirées par le trio cigarettes-bières-loteries.
Grimpés au plafond
La crainte est de voir ce flux de clients tardifs disparaître: une disposition du projet de loi annuel de Québec sur l’allégement réglementaire, le projet de loi 85, fait sauter la limite de quatre employés imposée aux épiceries et aux pharmacies la semaine après 21h ainsi que la fin de semaine après 20h.
Cette limite de quatre employés cause parfois de longues files à l’épicerie, le soir, et a été imposée afin d’empêcher les épiciers d’accaparer le marché des dépanneurs. Sa disparition est une victoire pour les grandes chaînes, mais une défaite pour les indépendants.
C’est ce que clame l’Association des détaillants en alimentation du Québec (ADA), qui demande à Québec de retirer l’allégement du PL 85.
«On veut le statu quo, on vient régler quoi avec ça?» se demande un directeur de l’ADA, Samuel Bouchard Villeneuve, qui parle au nom de 1000 commerçants.
Au total, le Québec compte 8000 commerces autorisés à vendre des aliments, dont 6000 dépanneurs. C’est eux qui grimpent au plafond devant la disposition du PL 85 en litige.
Parmi les 6000 dépanneurs du Québec, on compte aussi ceux d’Alimentation Couche-Tard. La multinationale de Laval n’a pas répondu à nos appels, mardi, mais au moins trois intervenants ont raconté au Journal que l’entreprise est en beau pétard.
L’idée de qui?
L’idée de ne plus limiter le nombre d'employés dans les épiceries vient du Conseil québécois du commerce de détail (CQCQ). «Cette modification marquerait une victoire pour les commerçants», a déclaré l’organisme en décembre.
Le CQCD, dont les événements sont commandités par Amazon, représente aussi bien Walmart que des détaillants québécois.
Son cousin du ROC, le Conseil canadien du commerce de détail, où le trio Metro-Loblaw-IGA est membre, n’est pas contre non plus, même si l’on tient à souligner que l’idée ne vient pas de là.
«C’est un débat délicat, les heures d’ouverture. Quand on a su que la question était rouverte, on a pris part aux discussions», indique son président, Michel Rochette.
Bientôt des magasins 24h?
En plus de faire sauter la limite de quatre employés le soir, le PL 85 prévoit des projets-pilotes sur l’élargissement des heures d’ouverture des commerces en général, pas juste dans les épiceries. Des commerces qui ferment à 17h pourront ainsi faire une demande pour rester ouvert jusqu'à 20h afin de «tester» cet horaire. Les indépendants de l’ADA recommandent de retirer cette nouveauté.
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