Québec a délivré des permis demandés par l’empereur d’Airbnb, malgré des amendes impayées
La Corporation de l’industrie touristique du Québec n’a pas vérifié les antécédents de Michael Roman, car il n’était pas propriétaire.

Dominique Cambron-Goulet et Louis-Philippe Bourdeau
Le ministère du Tourisme a délivré deux permis d’hébergement de courte durée demandés par Michael Roman, l’empereur d’Airbnb, peu de temps après qu’il a été condamné à payer des amendes pour des locations illégales par Revenu Québec.
Au cours des derniers jours, notre Bureau d’enquête racontait que M. Roman, un voleur ayant changé de nom, a réussi à bâtir ces dernières années une vaste entreprise d’hébergements à court terme.
En 2023, sous le pseudonyme de Michael Alexander Roman Augusta, il a demandé une licence pour deux condos de Baie-Saint-Paul qu’il a ensuite affichés sur le site de son entreprise, Posh Properties.
Ces deux logements n’appartiennent pas à M. Roman, mais c’est lui qui a effectué les requêtes de permis auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), qui relève du ministère du Tourisme.

Or, quelques mois avant de remplir ces papiers, il avait été condamné par Revenu Québec pour de l’hébergement touristique illégal.
Il a reçu deux amendes de 3750$ chacune pour avoir annoncé la location d’un chalet de Mont-Tremblant et d’un logement à Westmount.
Ces amendes ne sont toujours pas payées et aucune procédure de recouvrement, telle une saisie, n’a été entamée à ce jour.
Seuls les proprios ont été vérifiés
Jeudi dernier, la ministre québécoise du Tourisme, Caroline Proulx, a vertement critiqué la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui a interdit la location de type Airbnb à Montréal en dehors de l’été.
La mairesse voulait ainsi s’attaquer aux stratagèmes utilisés par les propriétaires pour louer illégalement en contournant les règles provinciales.
Au ministère du Tourisme, on se défend d’avoir délivré des permis demandés par un récidiviste de la location illégale.
«Monsieur Roman n’est pas l’exploitant des établissements, mais bien le représentant, a justifié Jean-Manuel Téotonio, porte-parole du ministère. Par conséquent, ce sont les exploitants qui ont fait l’objet des vérifications préalables de la CITQ, le représentant n’étant qu’un intermédiaire.»
Un argument jugé «ridicule» par Cloé St-Hilaire, doctorante à l’Université de Waterloo et spécialiste des résidences de tourisme.
«Même si c’est un intermédiaire, je ne vois pas pourquoi on ne regarderait pas [ses antécédents]. C’est un choix de ne pas le faire», dit-elle.
Via son entreprise Posh Properties, Michael Roman facture des frais d’environ 20% pour gérer les locations d’autres propriétaires.
«Tu peux juste attendre d’avoir une amende et te faire une autre entreprise. On devrait regarder qui est le bénéficiaire ultime», estime Mme St-Hilaire.
Le nom ne devrait rien changer
Même si les amendes ont été données sous l’ancien nom de Michael Roman, Nickolas Vachon, elles ne devraient pas tomber dans l’oubli, rappelle Claudia Bérubé, avocate et chargée de cours à l’Université de Sherbrooke.
«Tous les actes qu’on a posés sous notre ancien nom, tous les contrats qu’on a signés sous notre ancien nom, toutes les procédures intentées contre nous continuent automatiquement sur notre nouveau nom», explique-t-elle.
Michael Roman n’a pas répondu à nos questions sur son utilisation de pseudonymes ni sur les amendes qu’il avait reçues de Revenu Québec.