Les crédits d’impôt pour inciter les gens à travailler plus d’heures sont coûteux et inefficaces


David Descôteaux
Les nombreux crédits d’impôt qu’offre le gouvernement pour inciter les gens à travailler davantage coûtent cher à l’État sans atteindre leur objectif, montre une étude.
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Québec multiplie les crédits d’impôt et mesures fiscales pour motiver les gens à travailler plus ou à demeurer à l’emploi après 60 ans. Mais ces mesures ratent la cible et coûtent cher à l’État.
C’est, en gros, la conclusion d’une étude du CIRANO et de la Chaire Jacques-Parizeau des HEC, sous la plume de Nicholas-James Clavet, Xavier Dufour-Simard et Pierre-Carl Michaud.
«Si les gens ne comprennent pas les mesures ou ne sont pas au courant que les mesures existent, ce n’est pas surprenant que ça ne fonctionne pas», explique Pierre-Carl Michaud.
Des cancres fiscaux
Crédit d’impôt pour prolongation de carrière, bouclier fiscal, crédit d’impôt à la prime au travail, crédit d’impôt pour frais de garde... Toutes ces mesures sont mal comprises du public, selon un sondage que les chercheurs ont mené auprès de 3000 Québécois.
Questionnés sur des concepts comme le taux marginal d’imposition ou le taux moyen, à peine 14% des répondants ont été en mesure d’obtenir une bonne réponse.
«Les incitatifs, les gens finissent par les utiliser parce qu’ils sont dans le rapport d’impôt, le comptable va les inclure. Mais ça n’a pas l’effet désiré sur les comportements. Les gens ne vont pas faire du temps supplémentaire à cause d’un crédit», souligne le professeur.
Quand les crédits font mal
L’incompréhension peut aussi faire mal au portefeuille. Pierre-Carl Michaud donne l’exemple d’un individu qui souhaite travailler davantage pour gagner 5000$ de plus. Selon son taux marginal d’imposition, il payerait 2000$ d’impôts sur ce salaire supplémentaire. Toutefois, ce même individu, en augmentant son revenu, perdra un crédit d’impôt de 1000$ auquel il avait droit.
«Avoir su, il aurait peut-être préféré ne pas travailler davantage», dit-il.
Le gouvernement devrait éliminer ces crédits d’impôt pour ensuite diminuer les impôts de tous. Car plus le système est complexe, plus il devient inefficace, affirme-t-il.
«C’est un peu un cancer, ces mesures fiscales là. C’est rentable politiquement, mais une fois que c’est incrusté, c’est dur de s’en débarrasser. Les enlever crée des mécontents, alors les politiciens ont tendance à les maintenir en place», dit-il.
Nuance à apporter
François Richer, CPA et chargé de cours aux HEC, apporte une nuance. Les conclusions de l’étude sont correctes, dit-il, mais elles sont basées sur une prémisse fallacieuse, celle selon laquelle une mesure fiscale doit être motivée par un incitatif à faire quelque chose.
«La fiscalité a également l’objectif de récompenser les bons comportements et être équitable envers les contribuables. Si quelqu’un de 70 ans retourne au travail et aide à combler une pénurie de main-d’œuvre, c’est tout à fait juste et équitable qu’il paye moins d’impôts», dit-il.
Lancée en novembre 2023 par HEC Montréal, la Chaire Jacques-Parizeau a pour mission d’analyser plusieurs grands défis économiques auxquels le Québec est confronté. Québecor constitue un de ses partenaires financiers.
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