Les contradictions de François Legault

Antoine Robitaille
S’en prendre aux syndicats qui menacent «nos services» était sans doute la meilleure porte de sortie stratégique pour François Legault, vendredi dernier, à l’aube du début d’une session parlementaire s’annonçant agitée.
Pendant tout le caucus caquiste, les maires de grandes villes, réunis en «Sommet», avaient réussi à détourner l’attention totalement sur eux, accusant Québec de négligence, réclamant un pacte fiscal plantureux.
Il fallait donc, pour le premier ministre, attirer les regards ailleurs, sur d’autres problèmes se profilant à l’horizon. Il avait le choix et il l’a fait assez habilement.
Dans un Québec où les services publics sont à l’image de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont (semblant tenir avec de la broche), des grèves n’auraient rien pour aider. Aux yeux de plusieurs Québécois, c’est de bonne guerre que François Legault sonna l’alarme.
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De même, lorsqu’il demande aux syndicats de se faire «raisonnables», une bonne partie de l’opinion, aux prises avec une inflation appauvrissante, réagira de manière favorable.
De plus, lorsqu’il fustige certains syndicats refusant toute offre «différenciée», il fait sans doute mouche: la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), a-t-il déploré, veut de «la Labatt Bleue pour tout le monde, le mur à mur, la même augmentation». Certains quarts de travail plus difficiles mériteraient en effet une bière raffinée de microbrasserie.
Enfin, Legault tient une position de négociation classique quand il martèle que ses offres salariales aux grandes centrales de 11,5% sur cinq ans «couvrent» l’inflation. (Il faut qu’il se garde une marge de manœuvre pour le dénouement de dernière minute de toute négociation de ce type.)

Contradictions, incohérences
L’ennui: certaines contradictions, voire incohérences, affaiblissent la position du gouvernement Legault.
•Il a conclu une entente avec les policiers qui confère à ces derniers des augmentations de salaire de 21% sur cinq ans. Cela s’explique, bien sûr, car le gouvernement doit toujours chercher à garder les policiers de son côté. N’empêche... on est loin des 11,5% cités plus haut.
•En juin, François Legault s’est battu pour que les députés empochent sur-le-champ une augmentation de 30% de leurs indemnités sans ajuster l’ensemble de leur rémunération.
•Ce n’est pas tout. Le chef caquiste, dans un premier temps jeudi, a défendu l’antique prime de 125$ par jour pour les députés qui siègent hors session. Il a fallu que son caucus lui fasse comprendre qu’après l’augmentation de 30%, la prime était totalement injustifiée. Même l’ancien président Jacques Chagnon avait avoué au Devoir que cette prime de type «jaquette» (en référence à celles que touchaient les médecins spécialistes) n’avait plus sa place.
Enfin, le gouvernement Legault lui-même a baissé les impôts cet été, se privant de revenus importants afin de redistribuer de petits montants aux contribuables.
Difficile, face à tous ces choix, d’invoquer la «capacité de payer» restreinte, de répéter «on est en déficit», sans se faire reprocher d’être contradictoire, voire incohérent.
NB: Une première version de ce texte indiquait que l'augmentation de salaire des députés était rétroactive à janvier 2023. Or, la version de la loi telle qu'adoptée était exempte de cette disposition.