Les chaînes de blocs toujours plus importantes que les centres de données
Même si Hydro a fermé la porte à son développement, les chaînes de blocs requièrent toujours deux fois plus de puissance que les centres de données.


Martin Jolicoeur
Même si Hydro-Québec a fermé la porte au développement de l’industrie des chaînes de blocs, son importance est telle qu’elle requiert toujours aujourd’hui deux fois plus de puissance que n'en requiert l’industrie des centres de données, montre un document déposé à la Régie de l’énergie.
«C’est l’illustration parfaite du manque de planification de la société d’État lorsque vient le temps de faire face à la crise climatique», réagit Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie.
«Hydro-Québec a toujours eu de graves problèmes de planification, renchérit pour sa part le représentant de Greenpeace Canada, Patrick Bonin. C’est comme si elle n’avait jamais saisi l’urgence de décarbonation. Ces données nous le montrent encore une fois »
Deux fois plus pour les cryptos
Intitulé État d’avancement 2023 du Plan d’approvisionnement 2023-2032, le document déposé à la Régie de l’énergie fait état des prévisions de besoins en puissance électrique pendant les périodes de pointe de l’hiver.
À sa lecture, Hydro estime que l’industrie des chaînes de blocs, laquelle supporte la cryptomonnaie, nécessitait en 2023 jusqu’à 287 MW de puissance en période de pointe. À titre de comparaison, les centres de données présents au Québec en requéraient deux fois moins, soit 137 MW.
Tandis que les besoins des chaînes de blocs ont été plafonnés à 287 MW pour les années à venir, ceux des centres de données continueront de croître au fur et à mesure de leurs besoins et des quantités d’énergie que Québec leur consentira, explique le porte-parole d’Hydro-Québec, Maxence Hard-Lefebvre.
Rappelons que depuis l’adoption du projet de loi 2, en février, les projets industriels font l’objet d’un examen préalable du gouvernement. Seuls les projets jugés les plus porteurs ou méritants se voient offrir des blocs d’énergie.
Encore quatre ans
Il faudra donc attendre au moins quatre ans, soit jusque 2027, avant que le besoin de puissance des centres de données puisse dépasser celui des chaînes de blocs, montrent les données prévisionnelles de besoins en puissance, produites par Hydro-Québec.
Cette année-là (2027), les centres de données devraient nécessiter jusqu’à 317 MW pendant les pointes de l’hiver, soit le même niveau de puissance que nécessitera alors l’agriculture en serres (légumes et cannabis) dans la province.
D’Hydro-Québec, Maxence Huard-Lefebvre, précise qu’en dépit de l’importance relative de l’industrie des chaînes de blocs parmi ses clients, la société d’État s’est doté de pouvoirs de leur imposer une interruption de services advenant des besoins en pointe hivernale.
En vertu de conditions particulières imposées à cette industrie, Hydro peut interrompre leur alimentation électrique jusqu’à 300 heures par année, selon les besoins de la province, sans que la moindre compensation doive leur être versée.
Payer pour ses erreurs
Le Québec paie aujourd’hui pour des années de démarchage auprès des sociétés de chaînes de blocs et des centres de données pour écouler les surplus d’électricité qu’Hydro croyait sans limite, déplore l’environnementaliste et expert des questions énergétiques, Jean-Pierre Finet.
À l’époque, soutient-il, l’un des principaux responsables de cette course aux centres de données chez Hydro-Québec était un certain Dave Rhéaume. Les responsabilités de ce dernier ont cru après l'arrivée de Michael Sabia et la démission de Sophie Brochu de la tête d'Hydro. Il est aujourd'hui vice-président exécutif, Planification énergétique et expérience client de la société d'État.
Lundi après-midi (27 novembre), par l'intermédiaire de son équipe de communications, M. Rhéaume a tenu à nier avoir sollicité des centres de données dans le cadre de ses fonctions précédentes. Entre 2020 et 2022, il a occupé le poste de directeur principal, Développement stratégies et relations comerciales hors Québec. Auparavant, à partir de 2018, il était directeur Affaires réglementaires, d'Hydro-Québec Distribution.
«Dave Rhéaume et ses équipes n’ont jamais été responsables de démarchages auprès de centres de données ni du secteur des chaînes de blocs, nous a communiqué la société d'État. Au contraire, dans son rôle aux affaires réglementaires, il a plutôt été impliqué dans les démarches visant à mieux encadrer le secteur des chaînes de bloc».
–Avec la contribution de Sylvain Larocque
PRÉVISION DES BESOINS EN PUISSANCE PAR USAGE À LA POINTE DE L’HIVER (EN MW)
| 2022 | 2023 | 2024 | 2025 | 2026 | 2027 | 2028 | 2029 | 2030 | |
| Chaînes de blocs | 211 | 287 | 287 | 287 | 287 | 287 | 287 | 287 | 287 |
| Centres de données | 127 | 137 | 153 | 172 | 244 | 317 | 389 | 462 | 532 |
| Serres | 186 | 203 | 236 | 269 | 286 | 317 | 343 | 352 | 368 |
Source : Hydro-Québec, État d’avancement 2023 du Plan d’approvisionnement 2023-2032, p.21
CONSOMMATION ÉLECTRIQUE ACTUELLE ET FUTURE (EN TWH)
| 2023 | 2035 | |
| Chaînes de blocs | 2,1 | 2,2 |
| Centre de données | 1,0 | 4,8 |
Source : Hydro-Québec
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