Les casseroles bruyantes de Jean Charest


Joseph Facal
C’est aujourd’hui que Jean Charest devrait normalement annoncer qu’il se lance dans la course pour devenir le prochain chef du Parti conservateur du Canada.
Il y a quelque chose d’un peu dérisoire et de presque gênant dans le fait de parler de cela au moment où une guerre tragique nous bouleverse.
Mais on ne peut non plus concevoir que tous les chroniqueurs traitent d’un unique sujet. Allons-y donc.
Passé
On peut comprendre Jean Charest de plonger.
Il ne vit que pour la politique, rêve depuis toujours d’être premier ministre du Canada et, à 63 ans, c’est sans doute sa dernière chance.
M. Charest pourra compter sur de nombreux appuis dans l’Est du Canada, parmi tous ces gens déçus des libéraux et, plus spécifiquement, parmi ces conservateurs de longue date dépités de voir le centre de gravité de leur parti loger résolument à l’Ouest.
Face à un Parti libéral usé et au bilan médiocre, le prochain chef conservateur aura aussi d’excellentes chances de victoire.
Détrompez-vous cependant si vous pensez que le fait d’avoir jadis été ministre conservateur sous Mulroney et sous Campbell (de 1991 à 1993), puis chef du parti (de 1993 à 1998) l’aidera beaucoup.
Le Parti conservateur d’aujourd’hui – largement issu du Reform Party et de l’Alliance canadienne – n’a plus rien à voir avec celui de jadis.
Les militants voudront imposer une sorte de test de pureté idéologique à M. Charest : est-il un « vrai » conservateur ?
- Écoutez l'édito de Joseph Facal à l'émission de Benoit Dutrizac diffusée chaque jour en direct 10 h 30 via QUB radio :
Les chefs d’accusation sont déjà prêts.
On lui reprochera d’avoir appuyé le registre des armes à feu, d’avoir introduit une taxe sur le carbone et d’avoir augmenté les impôts.
Il faut connaître un peu l’idéologie dominante dans les provinces de l’Ouest pour bien mesurer à quel point ces positions sont des hérésies absolues.
C’est un peu comme si un péquiste se disait en faveur du libre choix en matière linguistique.
On reprochera aussi à M. Charest d’avoir fait du conseil stratégique pour la firme Huawei dans le dossier de la 5G au moment où Michael Kovrig et Michael Spavor croupissaient dans une prison chinoise.
On voit aussi mal comment M. Charest pourrait utiliser ses neuf années comme premier ministre du Québec comme argument de vente.
Certes, des accusations ne furent jamais portées contre lui et l’enquête Mâchurer est close.
Mais les mauvaises impressions perdurent et certaines odeurs résistent à tous les désinfectants connus sur le marché.
Harper
Par-dessus tout, Stephen Harper en mène encore large au sein du PC et se lève la nuit, dit-on, pour haïr M. Charest.
Pendant la campagne fédérale de 2008, quand Stephen Harper mit le paquet pour percer au Québec, Jean Charest, alors premier ministre et tout ex-conservateur qu’il eût été, dénonça les coupes fédérales dans le financement des arts et l’abolition du registre des armes à feu.
La campagne conservatrice au Québec venait de se faire scier les jarrets... et Harper n’a jamais oublié.
Jean Charest, reconnaissons-le, est un superbe campaigner, mais la pente sera abrupte. Très.