Les caméras Hikvision représentent une «menace» pour la sécurité du Canada, selon les services secrets canadiens
Le Service canadien du renseignement de sécurité a émis une «alerte de sécurité» l'an dernier


Sarah-Maude Lefebvre
Les caméras Hikvision sont un danger pour la sécurité du pays car la Chine pourrait les utiliser pour espionner le Canada, affirment les services secrets canadiens dans une alerte de sécurité envoyée au gouvernement du Québec dont notre Bureau d’enquête a obtenu copie.
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«La société chinoise Hangzhou Hikvision Digital Technology Co. Ltd représente une menace pour la sécurité nationale du Canada, car elle et ses produits pourraient servir de plateforme de collecte de renseignements au pays et à l’étranger», peut-on lire dans le document du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) daté du 2 novembre 2022.
Cette «alerte de sécurité», qui détaille les nombreuses failles de sécurité de ces caméras, a été envoyée l’an dernier à plusieurs partenaires des services secrets canadiens, dont le ministère de la Cybersécurité numérique du Québec, pour les mettre en garde contre la compagnie chinoise.
Nous rapportions lundi qu’une cinquantaine d’organismes publics québécois, dont la Ville de Montréal et Hydro-Québec, possèdent actuellement des caméras Hikvision alors que leur utilisation est restreinte aux États-Unis et au Royaume-Unis. Hikvision a aussi été accusée par le passé de participer à la répression de la minorité ouïghoure en Chine.


Sous le contrôle de la Chine
Dans cette mise en garde à l’intention de ses partenaires, le SCRS rappelle que les États-Unis ont signalé dès 2020 que Hikvision était sous contrôle de l’Armée populaire de libération de la République populaire de Chine (RPC).
«Partout dans le monde, des systèmes de “villes intelligentes” utilisent les technologies de reconnaissance faciales de Hikvision, ce qui peut créer une plateforme permettant à la RPC de mener des activités d’espionnage à l’étranger. En outre, les produits de Hikvision présentent des failles de sécurité qui les rendent extrêmement vulnérables (...) Ces failles de sécurité, combinées à des lacunes sur le plan des contrôles de la confidentialité, permettent à la RPC d’intercepter des données privées à distance», peut-on lire dans cette alerte.
Le mémo détaille aussi les liens entre la compagnie chinoise et la campagne de répression de la minorité ouïghoure menée par la Chine dans la région de Xinjiang.
«L’équipement de sécurité de l’entreprise a été utilisé pour surveiller de près des lieux publics et des camps de concentration de la région chinoise ainsi que pour fournir des analyses approfondies (...) Plus qu’un fournisseur passif, Hikvision est chargé d’organiser, de mettre en œuvre et de gérer directement les projets de surveillance au Xinjiang, au moins jusqu’en 2040», lit-on aussi dans le rapport.
Aucune recommandation à Québec
Au Québec, le ministère de la Cybersécurité numérique (MCN) n’a émis aucune directive ou recommandation aux ministères concernant l’utilisation des caméras Hikvision.
Le ministère des Transports du Québec s’est même procuré 4000 caméras de la marque chinoise l’an dernier pour les vidéoconférences de ses fonctionnaires.
« Le Ministère tient compte des recommandations du Service canadien du renseignement de sécurité dans ses analyses sur des produits ou des actifs afin d’évaluer le niveau de risques. Le MCN tient aussi à préciser qu’il poursuit sa veille en matière de risques et de cybersécurité. Même si à ce jour, aucune directive ou recommandation n’a été formulée pour des produits en particulier, notamment Hikvision, le MCN poursuit ses analyses. Dans le cadre de ces travaux, la diversité d’utilisation de ces produits ainsi que le cadre législatif existant ont dû et doivent être considérés pour faire les meilleures recommandations, ce qui exige plusieurs arrimages», a commenté le MCN par courriel.
Avec la collaboration d'Yves Lévesque et de Chrystian Viens