Les 15 bœufs musqués importés dans le Grand Nord québécois il y a 50 ans sont maintenant... 7000!
Le réchauffement climatique rend toutefois l'espèce vulnérable


Mathieu-Robert Sauvé
Les 15 bœufs musqués importés en 1967 à Kuujjuaq ont fait bien des petits et sont aujourd'hui 7000 dans le Grand Nord du Québec. Mais attention, l’espèce est vulnérable au réchauffement climatique.
«C’est une population qui se porte bien dans le Nunavik et est même en croissance démographique, mais elle tolère mal la chaleur. Il faut donc continuer de suivre son évolution», mentionne Steeve Côté, professeur de biologie à l’Université Laval et membre de MOXNET, un réseau international de chercheurs qui étudient le bœuf musqué.
Les biologistes craignent en effet que les chaleurs extrêmes qui sont observées à l’occasion dans les plus hautes latitudes aient des effets néfastes sur ces grands herbivores.
C’est pour récolter la laine du bœuf musqué, aux multiples propriétés, que 15 bœufs musqués ont été transportés de l’île d'Ellesmere, au Nunavut, à une ferme d'élevage près de Kuujjuaq en 1967. Mais les éleveurs ont mis fin à l’aventure en 1983 et l’enclos a été ouvert, libérant les 54 bêtes en plusieurs épisodes. Les inventaires aériens du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) ont évalué les troupeaux à quelque 4500 dans l’Ungava en 2019 et à 2500 dans la baie d’Hudson en 2020.

En 2017, pas moins de 44 bêtes dans deux régions (Ungava et la baie d’Hudson) ont été capturées dans le cadre d'un programme de suivi initié par Caribou Ungava et le MELCCFP. Ces animaux ont été suivis grâce à des colliers émetteurs jusqu’en 2021 afin d’étudier leurs interactions avec le caribou migrateur de la rivière aux Feuilles. On a pu documenter leurs déplacements, mais aussi leur alimentation.
Bonne cohabitation
«Les Inuits ont un grand attachement au caribou et certains croient que les bœufs musqués pourraient affecter négativement le caribou. Nous avons découvert que ce n’est généralement pas le cas», résume le biologiste, qui vient de publier ses résultats dans le Journal of Wildlife Management avec son étudiant Alexis Brodeur, ainsi qu'avec Joelle Taillon et Vincent Brodeur, du MELCCFP, et Mathieu Leblond, d’Environnement Canada.

S’il est vrai que les deux espèces sont des herbivores qui ont certaines plantes en commun dans leur alimentation (éricacées, saules et bouleaux), leurs modes de vie sont assez différents, ce qui leur permet jusqu’à maintenant de cohabiter sans se nuire.
«Le caribou migre sur de très grandes distances, alors que le bœuf musqué est peu mobile une fois qu’il s’est installé sur un site», explique le biologiste, qui dirige Caribou Ungava, un projet de recherche qui étudie les populations de caribous et les espèces associées dans un contexte de changement climatique.
C’est au Canada qu’on trouve la majorité des bœufs musqués du monde, les autres régions étant principalement la Russie, l’Alaska et le Groenland. La population du Québec est celle qui se trouve le plus au sud.

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