Les Bédouins, musulmans et Israéliens: pris entre deux feux


Normand Lester
Des commandos israéliens ont secouru dans un tunnel de Gaza un otage bédouin musulman kidnappé par le Hamas lors de l’attaque du 7 octobre. Kaid Farhan Alkadi a été capturé au kibboutz Magen, près de la frontière de Gaza, où il travaillait comme agent de sécurité.
Au moins 20 Bédouins israéliens ont été tués le 7 octobre par le Hamas, la plupart lorsque ses combattants ont attaqué des fermes près de Gaza tuant quelque 1200 personnes, une majorité de civils. Six Bédouins musulmans ont été pris en otages parmi les 240 personnes kidnappées par le Hamas.
Les Bédouins – à l’origine des pasteurs nomades – vivent en marge de la société israélienne. Ils sont plus de 200 000 à se sentir différents à la fois de la majorité juive et des Palestiniens. Bien qu’ils soient des Arabes musulmans comme eux, ils se considèrent comme membres d’une communauté distincte.
Il existe même dans l’armée israélienne un bataillon bédouin avec un effectif entre 300 et 600 hommes qui a été engagé à Gaza. Nétanyahou leur a rendu visite, les félicitant pour avoir «combattu héroïquement» pour Israël. 154 soldats bédouins sont morts en combattant pour Israël dans toutes ses guerres.
Les Bédouins et leurs chameaux, maîtres du désert
Pendant des siècles, les tribus bédouines ont parcouru non seulement le Néguev, mais aussi la Jordanie et la péninsule du Sinaï. Lors de la fondation d’Israël en 1948, seuls 11 000 des 90 000 Bédouins y étaient restés, le reste ayant fui vers la Jordanie et le Sinaï. Ceux qui sont restés ont reçu la citoyenneté israélienne, regroupés dans une zone sous administration militaire dans le Néguev. Sept villages y ont été établis par Israël pour les sédentariser entre 1968 et 1989.
Bien que les Bédouins d’Israël continuent d’être perçus comme des nomades, ils sont aujourd’hui entièrement sédentarisés et environ la moitié d’entre eux vivent en zone urbanisée. Les Bédouins du Néguev élèvent toujours des moutons et des chèvres. En quelques années, la moitié de la population bédouine s’est installée dans les cantons créés à leur intention par le gouvernement israélien. Les autres ont refusé de quitter leurs terres ancestrales, quelque 35 villages – comptant environ 100 000 habitants – qui restent non autorisés et ne disposent donc ni d’eau, ni d’électricité, leurs habitants risquant d’être déplacés. Israël donne des ordres de démolition de maisons dans ces colonies non reconnues où toute construction est interdite.
La démolition par les autorités israéliennes en mai 2024 de 47 habitations dans un village bédouin non reconnu, Wadi al Khalil du Néguev, sans consultation ni indemnisation appropriées, a été dénoncée par Amnesty International.
La démolition a été ordonnée pour permettre l’extension d’une autoroute vers le sud. Ces démolitions vont obliger l’expulsion forcée de plus de 300 habitants de Wadi al-Khalil, l’un des neuf villages non reconnus compris dans le projet.
Économiquement, les Bédouins constituent la communauté la plus défavorisée d’Israël. Ils ont le taux de chômage le plus élevé du pays et plus de la moitié vivent dans la pauvreté. La situation s’est empirée depuis le 7 octobre. Beaucoup d’entre eux travaillaient en effet dans des projets agricoles dans les kibboutzim proches de Gaza. Des leaders bédouins considèrent le déplacement massif des habitants de Gaza et les appels de certains leaders israéliens à déplacer les populations palestiniennes vers les pays voisins comme un avertissement, voire un prélude à ce qui pourrait leur arriver.
Dans le journal Le Monde, on rapportait que, peu après 7 octobre 2023, des centaines de Bédouins établis en Cisjordanie avaient été chassés de leur terre. Une stratégie de déplacement orchestrée par les colons israéliens depuis 2017, selon ce quotidien.