Publicité
L'article provient de Bureau d'enquête

Les barrages d’Hydro-Québec ont fait grimper le mercure dans la chair de poisson

La société d’État assure toutefois une surveillance étroite de plusieurs réservoirs

Partager
Photo portrait de Annabelle Blais

Annabelle Blais

2025-05-31T04:00:00Z
2025-05-31T17:42:15Z
Partager

La pêche sportive est un loisir pratiqué par des centaines de milliers de Québécois. Si la plupart des pêcheurs savent que la chair des poissons peut contenir du mercure, plusieurs ignorent encore les effets nocifs de ce métal lourd sur la santé. Notre Bureau d'enquête vous aide à y voir plus clair pour en manger en toute sécurité.


Les barrages hydroélectriques ont beau être une énergie verte, ils nécessitent la construction d'immenses réservoirs qui entraînent une hausse temporaire du mercure dans le poisson.

À la fin des années 1970, juste avant la mise en eau des barrages du Complexe La Grande, Hydro-Québec a commencé à analyser les teneurs en mercure dans les plans d’eau.

«Dans les années 1980, on est retourné au réservoir Robert-Bourassa LG2 et on a observé [...] une augmentation qui était quand même significative [dans le poisson]», explique François Bilodeau, responsable du programme de recherche sur le mercure à Hydro-Québec.

À l’époque, on ignorait si cette hausse était permanente, si la contamination s’amplifiait avec le temps et dans quelle mesure elle représentait un risque pour la santé des communautés locales.

«On avait tout à connaître là-dessus, et c’est ce qu’on a fait pendant les 40 dernières années», poursuit M. Bilodeau.

Publicité

La société d’État est ainsi devenue un expert sur cet enjeu et compte sur une équipe de chercheurs spécialisés dans le domaine.

«Il y a aucun autre aménagement hydroélectrique où on a plus de données sur le mercure», dit-il au sujet du complexe La Grande.

Ces experts d'Hydro-Québec effectuent une campagne d'échantillonnage de poissons à l'embouchure de la Romaine, dans le cadre du suivi du mercure sur le projet La Romaine.
Ces experts d'Hydro-Québec effectuent une campagne d'échantillonnage de poissons à l'embouchure de la Romaine, dans le cadre du suivi du mercure sur le projet La Romaine. Courtoisie Hydro-Québec

Jusqu’à 30 ans

Le mercure est naturellement présent dans l'environnement. Lorsqu’un réservoir est créé, l’inondation des sols et la décomposition des matières organiques libèrent ce contaminant, qui s’accumule ensuite dans la chaîne alimentaire aquatique.

Les concentrations de mercure dans les poissons peuvent alors augmenter de 2 à 7 fois pendant une période de 10 à 30 ans, selon les espèces. Elles reviennent ensuite à des niveaux comparables à ceux d’avant la construction.

Plusieurs réservoirs hydroélectriques affichent aujourd’hui des recommandations de consommation de poisson plutôt restrictives (maximum d’un poisson par mois ou aucun).

Pour réduire les risques, Hydro-Québec a collaboré avec le Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie-James afin de documenter l’exposition au mercure et de sensibiliser les populations locales.

Des programmes de gestion du risque ont été mis en place, appuyés par des guides de consommation précisant les quantités recommandées selon les espèces de poissons.

«On a jamais eu de cas d'intoxication rapporté», souligne le Dr Michel Plante, médecin-conseil à la Direction santé-sécurité d'Hydro-Québec, qui s’occupe du dossier concernant le mercure depuis les années 1980.

Publicité

«Hydro-Québec essaie de faire un bon travail de communication [...], mais juste l'existence de ces fiches [du guide consommation] peut envoyer le message qu’il faut faire attention», explique Marc Amyot, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicologie et changements mondiaux à l’Université de Montréal.

« Ça a pu affecter le lien de confiance envers les produits du territoire pour les populations »

Marc Amyot, Université de Montréal

- Marc Amyot, Université de Montréal

photo tirée de LinkedIn

Entre le début des années 1980 et des années 1990, Hydro-Québec a d’ailleurs constaté une baisse très importante de la présence de mercure dans l’organisme des communautés cries suivies. Les causes sont toutefois multiples

«Pour toutes sortes de raisons [...] les Cris ont subi un changement de mode de vie vraiment rapide entre la fin des années 1970 et les années 2000», explique le Dr Plante.

Hydro-Québec a d’ailleurs ajusté son approche face à ce constat. Les guides de consommation mettent maintenant l'accent sur les bénéfices associés à la consommation de poisson et l’enseignement de la pêche traditionnelle.

M. Amyot croit que la recherche doit s’intéresser davantage aux bénéfices de la nourriture traditionnelle. «Surtout dans le cas où les gens ont maintenant davantage de problèmes comme le diabète ou l’obésité liés à la consommation de nourriture du sud.  Il y a même des carences en calcium et en fer chez les femmes enceintes», explique-t-il.

Publicité
Publicité