Les avortements tardifs augmentent
Des spécialistes dénoncent le fait que ce service offert légalement soit encore mal organisé au Québec


Héloïse Archambault
Les avortements tardifs pratiqués en sol québécois sont en hausse de 50 % depuis la pandémie au Québec, mais l’organisation du service est encore gérée au « cas par cas » dans un climat tendu, en raison d’une pénurie de personnel.
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« C’est encore compliqué, déplore un médecin gestionnaire de ce service, qui témoigne anonymement par peur de représailles. Le service est donné, mais on en est presque encore au cas par cas. »
La pandémie de COVID-19 a forcé le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) à offrir l’avortement de troisième trimestre, au Québec.
Bien que ce soin de santé soit légal sans restriction au Canada, les Québécoises qui voulaient mettre fin à une grossesse après 23 semaines devaient aller aux États-Unis, aux frais du MSSS. La raison était simple ; aucun hôpital ne voulait offrir le service ici.
La frontière fermée
Or, la fermeture de la frontière en mars 2020 a forcé le réseau de la santé à traiter ces femmes. Depuis, une trentaine de patientes par année subissent une interruption volontaire de grossesse (IVG) de troisième trimestre.
C’est au moins 50 % de plus que les années précédentes, montrent les données du MSSS. Les raisons de cette hausse sont multiples, mais les retards d’accès aux soins en début de pandémie en font partie, selon le médecin spécialisé, qui a noté une baisse de la demande récemment.
Or, après deux ans de service, les femmes sont encore envoyées d’un hôpital à l’autre à tour de rôle, par le truchement d’un centre coordonnateur. Moins de 10 docteurs pratiquent ces IVG au Québec, dit le médecin gestionnaire, qui avoue que certains départements sont hostiles à l’égard de ces patientes.
De son côté, l’Association des obstétriciens-gynécologues du Québec (AOGQ) dit avoir demandé il y a plusieurs mois qu’un hôpital de Montréal soit désigné pour ces procédures délicates.
« Mais, avec la pandémie et les absences de personnel, cette option ne semble pas envisageable à court terme », dit-on par courriel.
Le ministère refuse de nommer les hôpitaux qui pratiquent les IVG tardives pour des raisons de sécurité. On assure vouloir implanter un service en bonne et due forme, mais aucun échéancier n’est précisé. L’an dernier, le MSSS soulignait que plusieurs hôpitaux offriraient le service.
Ne forcer personne
Le président de l’AOGQ, le Dr Elio Dario Garcia, a refusé la demande d’entrevue du Journal. Par courriel, on souligne que les avortements tardifs ne doivent pas être imposés aux médecins, au même titre que l’aide médicale à mourir, et on évoque qu’un débat de société sur le sujet doit d’abord être fait.
Les femmes qui ont recours à un avortement tardif proviennent de toutes les classes sociales et vivent toutes sortes de problèmes (drogue, maladie mentale, pauvreté, etc.).
AVORTEMENTS DE TROISIÈME TRIMESTRE AU QUÉBEC
2021-2022 : 31
2020-2021 : 39
2019-2020 : 19*
2018-2019 : 21*
* Avortements faits aux États-Unis, aux frais du ministère
Source : ministère de la Santé et des Services sociaux
NDLR : Les avortements tardifs sont rares et représentent moins de 0,1 % des cas