Les attentes sont grandes envers Marchand

Karine Gagnon
Élu in extremis en novembre 2021, avec une mince avance de 739 voix, Bruno Marchand est parvenu à faire rapidement sa place comme nouveau maire de Québec, jusqu’à faire oublier son prédécesseur. Un an plus tard, de nombreux défis s’imposent au chef de Québec Forte et Fière, envers qui les attentes sont grandes.
LE TOUR DE FORCE

Menant une bataille pour le tramway dès son arrivée en poste, Bruno Marchand a réussi un tour de force en obtenant une remontée des appuis au projet.
Dès son premier jour comme maire, Bruno Marchand a annoncé son intention de se faire «capitaine tramway» et il a tenu parole.
Mais M. Marchand s’est bien rendu compte que ses promesses d’abaisser la dalle de béton et de diminuer la quantité de fils ne tenaient pas compte de la réalité du projet. Il a eu le bon sens de reculer.
Il a aussi permis, grâce à la mise en place de plusieurs séances d’informations avec les citoyens et les gens d’affaires, de mieux communiquer le projet. Son attitude rassembleuse l’a servi dans ce dossier.
Son rapprochement avec Jean-François Gosselin, principal opposant au tramway depuis son arrivée en politique municipale à Québec, manque cependant de cohérence.
UN GRAND DÉFI

Arrivé depuis un an, Bruno Marchand doit peser sur l’accélérateur pour offrir une vision et des solutions concrètes dans différents dossiers, notamment sur le plan économique.
Dans un discours devant la Chambre de commerce et d’industrie de Québec, le maire a présenté un plan en huit mesures, mais il doit faire plus pour satisfaire aux nombreuses attentes qui se manifestent dans un contexte très difficile.
Sa grande volonté doit se traduire par des gestes concrets et une vision mieux définie.
Autre exemple, lors du colloque des gestionnaires de la Ville, le maire est demeuré très vague lorsqu’il s’est fait questionner au sujet de l’alignement stratégique 2023. Il a d’abord dit ne pas savoir le plan, avant de parler de cohérence, mais il semblait ne pas connaître l’information.
- Écoutez l'édito de Karine Gagnon à l'émission de Benoit Dutrizac diffusée chaque jour en direct 11 h via QUB radio :
L’alignement stratégique, présenté dans le budget chaque année, permet de définir des objectifs de performance dans le but d’améliorer la qualité des services rendus par la Ville aux citoyens.
Le maire doit donc raffiner sa connaissance de l’appareil municipal, de même que sa vision d’ensemble pour Québec.
NOUVELLE ÈRE

La nomination de Jonatan Julien comme ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale marque un changement de ton dans les relations avec la Ville de Québec.
Durant le mandat de Geneviève Guilbault, les échanges se sont avérés très tendus avec Régis Labeaume, et tout autant avec Bruno Marchand, qui a même fini par réclamer un brassage de cartes au gouvernement.
Les deux politiciens s’entendent sur la nécessité d’un tramway, et M. Julien semble habité d’une sincère volonté de porter les dossiers de la région, ce qui manque cruellement depuis 2018.
Il faudra voir comment le ministre se positionnera lorsque l’augmentation des coûts du tramway sera annoncée en décembre, comme c’est le cas pour tous les projets en raison notamment de l’inflation, mais il semble de bonne foi.
Le maire doit aussi demeurer ferme par rapport au troisième lien, pour lequel il réclame des études et des données scientifiques.
PREMIER FAUX PAS

Parlant d’attitude rassembleuse, sur laquelle le maire avait beaucoup misé durant la campagne électorale, Bruno Marchand a manqué une belle occasion d’en faire preuve lors d’une sortie contre le restaurant coréen Bab Sang.
Le maire a plus tard reconnu qu’il aurait dû se montrer plus bienveillant. Au lieu de ça, le premier élu a fait une sortie publique où il affirmait que la pénurie de main-d’œuvre ne devait pas servir de prétexte pour ne pas offrir le service en français et que c’était inacceptable.
Or, sa réaction laissait entendre que le restaurateur était de mauvaise foi.
Sauf que dans les faits, celui-ci n’était au Québec que depuis quelques mois et avait eu le cœur de se mettre à l’ouvrage en ouvrant un restaurant.
Le travail du maire était plutôt de se demander comment la Ville pouvait l’aider davantage, et quels étaient les services qu’avait reçus le couple de restaurateurs, qui n’étaient visiblement pas adéquats.
La protection et la promotion de la langue française sont primordiales, mais encore faut-il choisir les exemples adéquats pour s’en faire le porte-parole.
PLAN DE MATCH ATTENDU

Pas une séance du conseil municipal ne passe sans que des citoyens n’interviennent pour déplorer le climat de peur et d’insécurité qui affecte le quartier Saint-Roch.
«On est très inquiets de la situation dans Saint-Roch. On a l’impression que l’administration actuelle, littéralement, est en train d’échapper Saint-Roch», disait en septembre Claude Villeneuve, chef de l’opposition à l’hôtel de ville de Québec.
Apeurés, plusieurs comparent désormais le secteur au Downtown Eastside de Vancouver.
Un employé de l’ENAP me confiait récemment être tombé sur un itinérant avec une seringue dans le bras à la porte de l’établissement d’enseignement.
Les histoires de ce genre se multiplient. Les restaurateurs du secteur s’inquiètent, tout comme les résidants.
Bruno Marchand avait pourtant fait de la lutte contre l’itinérance une priorité. Il avait même parlé d’itinérance zéro.
La Ville a annoncé un million pour une équipe qui s’occupera du problème, mais c’est nettement insuffisant. Les vraies solutions se font toujours attendre.