Les artistes autochtones élèvent leurs voix
Sandra Godin
Après Elisapie et Natasha Kanapé Fontaine, la comédienne Jemmy Echaquan Dubé (Fugueuse, Toute la vie) a brisé le silence, jeudi, pour déplorer le décès de Joyce Echaquan, qui faisait partie de sa famille.
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Née à Manawan dans la même communauté atikamekw que la victime, Jemmy Echaquan Dubé a vécu difficilement les derniers jours. Joyce Echaquan était la cousine de sa mère.
Lorsqu’elle a visionné les vidéos qui la montrent sur son lit d’hôpital, «j’étais choquée», confie la comédienne, réalisatrice et activiste au Journal, d’un ton posé et ému.
«On a grandi ensemble, même si on ne se côtoyait pas tout le temps, a-t-elle ajouté. Chaque fois que quelqu’un décède dans ma communauté, c’est toujours un choc. Le pire, c’est qu’elle soit morte... (silence) au milieu de racisme.»
Jemmy Echaquan Dubé ne «comprend pas» qu’il y ait des gens qui croient que le racisme systémique n’existe pas au Québec. «Ce n’est pas tout le monde qui est comme ça, précise-t-elle. Mais ces individus-là, qui sont racistes, ont notre vie entre leurs mains.»
L’interprète de Daisie dans Fugueuse, qui a elle-même vécu du racisme lorsqu'elle allait à l'école à Joliette, dresse un parallèle avec la mort de George Floyd cet été, qui faisait aussi partie d’une «communauté opprimée», dit-elle.
Né dans la foulée du mouvement Black Lives Matter, le mot-clic #indigenouslivesmatter a refait surface au Québec dans les derniers jours. «Je crois que le décès de Joyce va réveiller les gens, soutient Jemmy Echaquan Dubé. J’aurais vraiment préféré que ça ne se passe pas. Mais des fois, on dirait que les gens se réveillent plus quand il y a un drame qui arrive. C’est triste.»
«Il faut que ça s’arrête»
D’autres artistes autochtones ont aussi pris la parole dans les derniers jours. C’est avec les larmes aux yeux que la chanteuse Elisapie et la comédienne Natasha Kanapé Fontaine ont interpellé avec virulence le premier ministre François Legault mercredi, sur les réseaux sociaux.
«Je suis enragée et on va être nombreux à essayer de rejoindre le gouvernement pour qu’il puisse commencer à faire de réels changements», a affirmé Elisapie.
«Il faut demander justice, il faut demander qu’on puisse enrayer le racisme systémique des institutions, de faire en sorte que chaque personne soit traitée avec dignité et avec humanité», a pour sa part demandé Natasha Kanapé Fontaine.
«On ne peut pas laisser passer une chose de plus, une mort de plus. Il faut que ça s’arrête maintenant», a-t-elle martelé.
Un dessin viral
Une illustration du visage de Joyce Echaquan, qui prend forme sous des traits mauves, avec la mention Justice pour Joyce, est devenue virale dans les derniers jours.
Le dessin est l’œuvre de Maïlys Flamand, une animatrice culturelle auprès des jeunes chez Montréal Autochtone. Partagé par des dizaines de personnalités, le dessin est devenu le symbole du mouvement #justicepourjoyce sur les réseaux sociaux.
«Je n’étais pas capable de m’enlever de la tête les cris et les propos racistes que j’ai entendus dans la vidéo, a confié la diplômée en arts visuels au Journal. Le soir, je n’arrivais pas à dormir. Ça faisait longtemps que je n’avais pas dessiné, alors je me suis dit que j’allais faire le portrait de Joyce.»
Maïlys Flamand, aussi originaire de Manawan, a permis à tout le monde de partager son illustration.
«Je pensais que seulement les gens de Manawan allaient la partager. Les gens me demandaient s’ils pouvaient la prendre, et je leur ai dit qu’ils pouvaient même l’utiliser comme photo de profil. Mon amie Natasha Kanapé Fontaine l’a partagée, elle m’a dit que quand elle la regardait, ça l’apaisait. Depuis ce temps-là, plusieurs artistes l’ont reprise. Mais je ne m’attendais pas à ce que ça aille aussi loin.»
Une marche samedi
Jemmy Echaquan Dubé, Elisapie, Natasha Kanapé Fontaine et Maïlys Flamand participeront samedi à une marche organisée à la place Émilie-Gamelin.
«Ça me touche beaucoup les gens qui parlent pour Joyce, pour amplifier sa voix, parce que clairement, elle n’a pas pu avoir cette voix. Je trouve ça magnifique», a commenté Jemmy Echaquan Dubé.
