Les arbres plantés pour rendre l’échangeur Turcot plus vert ont été ravagés par les marmottes
Des milieux plus humides que prévu ont également causé la mort de plusieurs plants
Annabelle Blais et Pascal Dugas Bourdon
Des centaines d’arbres censés compenser le carbone émis par la construction de Turcot n’ont pas traversé l’hiver. Un des sites a même été ravagé par des marmottes et près de 40% des arbres y sont morts.
Dans la plantation du ministère des Transports (MTQ), à La Présentation en Montérégie, les arbres se font rares. Le terrain en bordure de l’autoroute 20 ressemble davantage à un champ qu’à un futur boisé.
«Certains sites éprouvent davantage de problèmes que d’autres», reconnaît le Ministère, notamment en référence au terrain de La Présentation. À cet endroit, il confirme que près de 500 arbres, soit 37% de feuillus et 40% de conifères, n’ont pas survécu à leur première année de vie.

Importante population
Au banc des accusés: la marmotte. La présence de l’herbivore y avait été observée avant qu’on plante les arbres. Mais à l’époque, la population ne semblait pas aussi «importante que ce qui est observé maintenant» et ne représentait donc «pas un problème majeur», se défend le Ministère.
Ces arbres font partie des quelque 50 000 arbres qui doivent être plantés dans le cadre d’un projet-pilote et qui doivent mettre 100 ans pour compenser une partie des gaz à effet de serre émis pendant la construction de l’échangeur Turcot.
Malgré les embûches, le Ministère assure avoir bien fait ses devoirs dans la sélection des terrains. Il reconnaît toutefois que «certains sites ou parcelles de sites ne présentent pas les conditions idéales de reforestation.»
De toute évidence, puisque la marmotte n’est pas le seul trouble-fête.
Pluie et inondations
«Les conditions météorologiques, notamment les précipitations, varient d’une année à l’autre, ce qui peut rendre les milieux trop humides. Le site le plus affecté par cet aspect se situe à Mont-Saint-Hilaire», a expliqué Gilles Payer, porte-parole du MTQ.
Selon les données du ministère, le taux de mortalité y serait de seulement 4% pour les feuillus et de 15% pour les conifères. Nos observations sur le terrain laissent toutefois présager une mortalité plus importante. Questionné à cet effet, le Ministère a finalement reconnu que le décompte n’était pas encore terminé.

D’ailleurs, les problèmes sont si importants à cet endroit que le Ministère a devancé une deuxième phase du projet et a planté quelque 3100 arbres à Pointe-Fortune, près de Rigaud.
Sauf que même sur ce nouveau site, 30% des 846 conifères plantés sont déjà morts en plus de 144 feuillus (5%).
L’entrepreneur se défend
L’entreprise ayant obtenu le contrat de plantation défend son bilan, bien qu’il reconnaisse le taux de mortalité «anormalement haut» à La Présentation.
Les taux de mortalité sont «plus élevés» à cet endroit, notamment parce qu’«on y retrouve beaucoup de marmottes», confirme Jonathan Bolduc, président de Natur’eau-Lac.
«Elles mangent le plan de façon souterraine, par la racine, ou le broutent directement en surface. Naturellement, le plan survit très mal», a-t-il expliqué.

Malgré cette mortalité, M. Bolduc juge que le projet «se déroule bien» et il a bon espoir de fournir les quelque 17 500 arbres vivants et en bonne santé à la fin de son mandat, dans quatre ans.
«Une invasion de marmottes, c’est assez difficile à prévoir», s’est-il défendu.
Le contrat conclu entre le MTQ et Natur’Eau-Lac en 2021 est de 880 000$. Des dépenses supplémentaires de 300 000 pourraient s’ajouter à la facture.
La durée de vie des arbres en bordure d’autoroute n’est que de 5 à 10 ans si les soins appropriés ne sont pas prodigués, avaient expliqué des experts avec qui Le Journal s’était entretenu cet automne. Les premières années de vie sont d’ailleurs cruciales pour la survie des plantations.
L’épandage de sels de déglaçage sur les routes compte aussi parmi les difficultés associées à une plantation en bordure d’autoroute. L’automne dernier, lors du passage du Journal, nous avions constaté des problèmes avec l’entretien des sites. De nombreux tuteurs étaient tombés et différents déchets se trouvaient sur les sites.
-Avec la collaboration de Dominique Cambron-Goulet
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