Les Anglos sont des «colonisés contents»


Guy Fournier
Nulle part au monde ne trouve-t-on des colonisés culturels aussi contents que nos anglophones.
Les Canadiens anglais regardent presque uniquement des séries américaines et des films de Hollywood. Lorsqu’ils sortent, c’est pour voir des pièces et des comédies musicales américaines, souvent jouées par des troupes de tournée de seconde zone. Les auteurs et les acteurs anglophones rêvent de faire carrière aux É.-U. et les techniciens de l’audiovisuel souhaitent tous travailler à de grosses productions américaines à Toronto ou à Vancouver.
Si les grands du show-business américain produisent au Canada, c’est parce que notre dollar est au rabais, que de généreux crédits d’impôt les attendent et qu’ils trouvent chez nous des techniciens et des artisans qualifiés à bien meilleur compte. En d’autres mots, du «cheap labor»!
Un climat défavorable
Dans un climat aussi défavorable, comment imaginer qu’Ottawa finira par imposer les géants du numérique à un taux raisonnable? Comment croire que le CRTC les obligera à contribuer à notre industrie audiovisuelle comme le font nos câblodistributeurs et nos diffuseurs? Ce n’est pas sans raison si le projet d’imposer des conditions et une contribution financière à Netflix, Disney, Amazon et cie n’a pas encore abouti. Un projet pourtant amorcé il y a bientôt 10 ans par Mélanie Joly, ministre du Patrimoine de l’époque.
Durant cette décennie, des dizaines de personnalités canadiennes ont plaidé pour qu’on laisse tranquilles les géants américains. Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit de l’internet et du commerce électronique, est leur allié inconditionnel. Jamais il n’a cessé de lutter contre la Loi sur les nouvelles en ligne et contre celle sur la diffusion continue. Elles obligeraient les géants à investir dans du contenu canadien et à compenser nos médias pour le contenu qu’ils leur empruntent et dont ils font leurs choux gras.
L’élection de Donald Trump
Ce colonialisme culturel si bien consenti «a mari usque ad mare» insuffle depuis l’élection de Donald Trump une vigueur nouvelle aux géants qui veulent continuer de faire affaire au Canada sans entrave obligataire ou financière. Comme le rapportait le quotidien National Post, la Chambre de commerce des États-Unis a prévenu le CRTC qu’il s’agit d’un très mauvais moment pour imposer une contribution aux entreprises de la tech.
Google, Meta et Amazon siègent au conseil du National Foreigh Trade Council. Cet organisme américain est convaincu qu’il peut facilement convaincre Donald Trump que le CRTC contrevient ainsi à l’ACEUM (l’Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique) malgré la clause d’exception culturelle qu’il contient.
Que je sache, seul le Québec s’est battu pour cette clause dont le Canada anglais n’a rien à cirer. Et ce n’est pas cette clause qui empêchera Washington d’imposer des mesures tarifaires équivalentes au préjudice que subissent ses industries à cause d’elle! En vertu de l’ACEUM, les É.-U. ont le loisir de le faire et je ne crois pas qu’ils s’en privent.