Les amis de Donald Trump deviennent des amis toxiques pour Pierre Poilievre


Philippe Léger
Depuis plus de deux ans, Pierre Poilievre domine outrageusement la politique canadienne.
Oui, dans les sondages, mais aussi par sa capacité à susciter l’attention et à diriger l’agenda.
C’est lui, l’horloger canadien: il fixe l’heure et les secondes. Les autres s’adaptent.
Poilievre a réussi à définir ses adversaires, les nommer et leur attribuer les fautes.
L’inflation sous Trudeau? La «justinflation». Les politiques identitaires canadiennes? Justin Trudeau, le «woke».
Les politiques climatiques? Le fait du «fou» et «radical» «ministre de la taxe carbone», Steven Guilbault. Les politiques libérales sur les drogues? «Wacko».
Jagmeet Singh? Un «vendu», un «marxiste en Maserati». Son pacte avec les libéraux? Un moyen d’accéder à sa pension.
Le Bloc Québécois? Rebaptisé le «Bloc libéral». Yves-François Blanchet ? Celui qui «travaille pour Justin Trudeau».
Mark Carney et Chrystia Freeland, maintenant? Ils ont perdu leurs pronoms. Ce sont «Carbon Tax Carney» et «Carbon Tax Freeland».
Or, depuis décembre, Poilievre n’est plus au centre du jeu. En fait, on le retrouve plutôt hors-jeu. Ou hors sujet, si vous préférez.
Quelqu’un, nommé Donald Trump, dicte désormais le tempo canadien. Et Poilievre ne sait pas quoi dire à ce sujet. En fait, il n’a qu’une chose à dire: «Justin Trudeau est faible». Mais lui aussi ne l’est-il pas face à Trump?
Danielle Smith
Pierre Poilievre aurait pu adopter une hauteur de vue canadienne dans les dernières semaines, plutôt que ne voir qu’à hauteur conservatrice.
Prenons l’exemple de Danielle Smith. Elle était à Washington cette semaine, contente de parader dans la constellation d’un président menaçant le Canada d’annexion.
La PM albertaine a décidé de faire bande à part du Canada en refusant de sacrifier le pétrole sur l’autel de la négociation à venir avec Trump.
Ça se défend: la province se sent incomprise et méprisée par les politiciens d’Ottawa, et on lui demande ensuite de mettre au centre des négociations le pétrole, sur lequel les Albertains se sentent méprisés et incompris.
Poilievre, devant ces récriminations de l’Ouest, n’a rien trouvé à dire. Pas de son, pas d’image, juste une langue de bois.
Mais Pierre Poilievre n’est pas Danielle Smith.
Le chef conservateur a la prétention de gouverner le pays, pas une province. Et je le dis d’une perspective québécoise: ceci devrait être inquiétant. Son incapacité à agir au-delà du jeu électoral est révélatrice de ce qui peut attendre le Québec, s’il accède au pouvoir sans l’appui du Québec.
Amis de ses amis
Cela soulève un autre malaise: la proximité des amis de Pierre Poilievre avec Donald Trump et son administration.
Elon Musk, par exemple, ne cache pas son affection pour le chef conservateur. Questionné à son sujet, Poilievre n’a rien trouvé de bon à dire que son souhait de voir une usine Tesla au Canada. OK, mais après?
Poilievre devra tôt ou tard couper le cordon ombilical qui le relie à certaines figures du trumpisme, qui voient le Canada comme un pays à vendre et à prendre.
Si les amis de tes amis veulent traiter ton pays comme un ennemi, que dis-tu à tes amis?