L’envie: quand le gazon paraît plus vert chez le voisin


Dre Christine Grou
L’envie : un défaut, une tare, voire une maladie ? Rien de tout cela, encore que dans certains cas, cette émotion puisse bien finir par le devenir. Pour mieux l’apprivoiser et ainsi éviter qu’elle n’envenime notre quotidien et nos relations, il est essentiel de bien comprendre ce phénomène.
D’entrée de jeu, soulignons que l’envie est une émotion qui est tout à fait courante, parfaitement humaine, et que celle-ci apparaît dès le tout jeune âge. Pester contre le bonheur des autres et contre leurs accomplissements, souligner à grands traits leurs erreurs, répandre des rumeurs à leur sujet... voilà autant d’exemples de comportements pouvant traduire de l’envie à l’égard des autres. Parfois plus subtile, l’envie peut aussi se manifester par le désir secret de ressembler à l’autre.
Or, bien souvent, on a honte de s’avouer qu’on éprouve une telle émotion. Ce faisant, l’envie a cette fâcheuse manie de s’imprégner à l’intérieur de nous, contaminant de façon insidieuse nos pensées, nos relations, et suscitant des réactions ou des comportements négatifs visant à minimiser ou à diminuer la « valeur » attribuée à ceux et celles faisant l’objet de notre envie.
La jalousie : même combat ?
Avant d’aller plus loin, il convient de différencier l’envie et la jalousie, deux émotions bien différentes. La jalousie s’apparente à une peur, parfois irrationnelle : celle de perdre quelque chose – ou encore quelqu’un. La perspective d’une rétrogradation dans la sphère professionnelle, de la perte d’une amitié jusque-là exclusive ou encore d’un grand amour, par exemple.
L’envie, pour sa part, porte plutôt sur ce que possède l’autre et dont nous nous sentons privés. Lorsque nous idéalisons constamment l’autre, son couple uni, sa famille parfaite, son emploi de rêve ou son physique d’athlète, cela peut faire pousser chez nous les « mauvaises herbes » de l’envie.
Quand cette envie prend trop de place, au point de porter atteinte à l’estime que nous avons de nous-mêmes, de créer un cercle vicieux de pensées négatives, d’engendrer de la frustration, de miner nos relations et d’assombrir notre quotidien, il faut savoir prendre un pas de recul.
Prendre soin de nous
Par où commencer lorsqu’un collègue, un voisin ou un proche devient le centre de notre attention envieuse ? Tout d’abord, savoir identifier et reconnaître ce sentiment chez soi constitue une première étape essentielle. Cet exercice, qui peut pourtant sembler banal en apparence, est en effet à la base de tout processus de cheminement psychologique.
Il faut aussi garder en tête que ce que les autres dévoilent ne dépeint souvent qu’une partie infime de leur réalité. Bien souvent, nous ne connaissons qu’une petite parcelle des enjeux ou des défis auxquels chacun fait face au quotidien.
En outre, les réseaux sociaux montrent très souvent une version idéalisée de la vie de tout un chacun, ce qui bien souvent ne fait qu’accroître davantage ces sentiments d’envie. En ce sens, il peut être bénéfique de revoir et de réfléchir à l’utilisation que vous faites de ces plateformes. Devez-vous absolument voir l’intégralité des publications de toutes ces personnes (publications qui, rappelons-le, ne représentent pas la réalité) ?
Par ailleurs, nous n’avons bien souvent pas conscience des nombreux sacrifices et deuils qu’implique une situation donnée dite « de rêve ». Êtes-vous prêt à travailler sans compter les heures ? À sacrifier votre vie sociale ? Dans bien des cas, la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est probablement un « non » retentissant.
Aussi, plutôt que de ne s’attarder à ce que les autres ont, il est beaucoup plus porteur de faire la paix avec ce que nous sommes. De façon très concrète et pratique, prendre en note chaque jour quelques-unes de nos avancées, nos réalisations ou nos bons coups peut s’avérer particulièrement bénéfique. Cette habitude peut nous aider à constater ce que l’on est, ce que l’on a, mais aussi ce que l’on aime.
Il est aussi important de savoir reconnaître, avec lucidité et humilité, que d’autres ont du succès au travail ou accumulent les récompenses. À tout cela, répondons : bravo ! Dans le même ordre d’idées, il est tout aussi primordial de s’entourer de personnes qui nous font nous sentir bien. De telles relations peuvent être un rempart efficace contre l’envie, encourageant le soutien mutuel et la célébration des réussites de chacun, plutôt que de cultiver une dynamique de compétition constante.
Cultiver notre jardin
En somme, refuser de céder le terrain à l’envie, c’est d’abord célébrer les réussites des autres, mais aussi, et surtout, parvenir à le faire sans diminuer nos qualités et nos exploits. Qu’est-ce qui compte vraiment pour nous ? Quels sont nos priorités, nos objectifs... et surtout, qu’est-ce qui nous rend le plus heureux ?
Au lieu de scruter le gazon du voisin, cultivons plutôt notre jardin à nous avec une saine dose d’ambition, de réalisme... mais aussi de satisfaction envers nous-mêmes.