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L'article provient de Le Journal de Montréal
Sports

L’encéphalopathie traumatique chronique affectait l'ancien capitaine du Canadien Henri Richard

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Photo portrait de Marc de Foy

Marc de Foy

2023-03-08T05:00:00Z
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Il y a trois ans, Henri Richard décédait de complications liées à la maladie d’Alzheimer. Son cerveau a été légué à la science conformément à un consensus de sa famille. Les conclusions de l’examen, reçues peu avant la dernière période des Fêtes, démontrent que l’ancienne gloire du Canadien souffrait aussi d’encéphalopathie traumatique chronique (ETC). Retour sur un sujet qui retient l’attention depuis une vingtaine d’années.

Rappelons que l’ETC est causé par des traumatismes cérébraux à répétition. Plusieurs cas ont été relevés chez des athlètes décédés ayant pratiqué des sports de contact. 

Au hockey, il y a eu notamment Reggie Fleming, dur à cuire bien connu de la Ligue nationale dans les décennies 1960 et 1970; l’as marqueur Richard Martin qui a fait sa marque avec la French Connection, aux côtés de Gilbert Perreault et René Robert ; Bob Probert, le bagarreur le plus craint des années 1980 ; ainsi que Steve Montador, un autre matamore décédé d’une surdose accidentelle à l’âge de 35 ans, en 2015.

Au football, le premier cas connu fut celui de Mike Webster, centre de la ligne offensive des Steelers de Pittsburgh, qui était un sans-abri dans les dernières années de sa vie. Son histoire a fait l’objet du film intitulé Commotion mettant en vedette Will Smith dans le rôle du neuropathologiste Bennet Omalu à qui revient l’appellation de la maladie.

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Webster fut découvert sans vie dans son véhicule qui lui servait d’habitat. Le coroner avait été saisi de l’affaire, d’où son examen du cerveau. Il s’en est suivi une action collective qui s’est soldée par une entente à l’amiable approchant un milliard de dollars en faveur de milliers d’anciens joueurs qui accusaient la Ligue nationale de football de ne pas les avoir informés des méfaits des coups à la tête.

Les constatations de la science médicale ont incité plusieurs joueurs de la NFL et de la LNH à faire don de leur cerveau à leur décès. En août dernier, Jonathan Huberdeau s’engageait à léguer son cerveau à Project Enlist Canada.

Hayley Wickenheiser, devenue elle-même médecin, l’a fait aussi.

Aussi, on ne peut plus jouer à l’autruche concernant la dangerosité des bagarres. La décision de la Ligue de hockey junior majeur du Québec de les abolir prend tout son sens à la lumière des découvertes reliées à l’ETC.

Henri Richard a joué à une époque où le casque protecteur n’était pratiquement pas utilisé et était considéré comme une pièce d’équipement pour les peureux. Le casque n’était pas obligatoire non plus au niveau junior.

Il s’infligeait lui-même des coups 

En 1955, le jeune Henri Richard subit un double échec au visage de la part du défenseur Lou Fontinato, un des joueurs les plus rudes de son époque.
En 1955, le jeune Henri Richard subit un double échec au visage de la part du défenseur Lou Fontinato, un des joueurs les plus rudes de son époque. Photo fournie par Hy Peskin, Getty Images

Bien que reconnu pour être capable de se défendre lui-même, Richard, tout comme les autres joueurs de son temps, a subi plusieurs coups à la tête pendant sa carrière de 20 ans avec le CH.

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Mesurant cinq pieds sept pouces et pesant 160 livres, le gagnant de 11 coupes Stanley donnait parfois la tête durement contre les baies vitrées lorsque frappé par-derrière.

Ce n’est pas tout.

«Ma mère m’a raconté que lorsqu’il était fâché, mon père se frappait la tête sur le rebord de la bande lorsqu’il était assis au banc, relate son fils Denis, qui a joué aussi au hockey.

«Mais elle me dit qu’il ne s’est jamais plaint de maux de tête, ni avant ni pendant sa maladie.»

Risques accrus de 70 %

Avec ces données en main, peut-on établir un lien entre les traumatismes crâniens et la maladie d’Alzheimer?

Denis Richard a posé la question à l’Institut Douglas, centre hospitalier de Montréal affilié à l’Université McGill et à l’Organisation mondiale de la santé, qui a procédé à l’analyse du cerveau de son père.

«Les études suggèrent que les personnes ayant eu des traumatismes cérébraux à répétition pourraient avoir jusqu’à 70 % plus de risques de démence», lui a-t-on indiqué par écrit.

Les opinions peuvent différer.

De rares études ne voient aucune relation entre les traumatismes cérébraux et la maladie d’Alzheimer. On observe la même ligne de pensée pour la sclérose latérale amyotrophique (SLA), maladie dégénérative qui a emporté l’ancien défenseur Borje Salming, l’automne dernier. Les traumatismes à la tête et un surentraînement sont cités comme causes possibles du déclenchement de la SLA chez les athlètes et les militaires.

Le docteur Rami Massie, de l’Institut neurologique de Montréal avec qui j’ai réalisé une entrevue en octobre dernier, avait dit que la science attachait de plus en plus d’importance à ces deux facteurs.

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«Il peut y avoir des études contradictoires, mais plus on accumule d’études concordantes, plus on a l’impression que ces deux facteurs jouent un rôle, avait-il dit.

«Mais on parle de liens d’association et non de causalité. On peut dire que les athlètes qui subissent des traumas à la tête vont peut-être, mais pas nécessairement, avoir la SLA. On ne peut pas le prouver.

«Le plus probable – et c’est la raison pour laquelle il est très difficile de faire un lien clair et définitif –, c’est de savoir s’il y a une association entre les traumas crâniens et les prédispositions génétiques des patients.»

Chiffres révélateurs dans la NFL

Revenons aux traumatismes cérébraux et à la maladie d’Alzheimer.

En 2011, le centre médical de l’Université Loyola, à Chicago, publiait à l’occasion de la Conférence internationale de l’Association Alzheimer tenue à Paris les résultats d’une étude effectuée trois ans auparavant auprès de 513 joueurs à la retraite de la Ligue nationale de football. 

L’enquête ciblait les problèmes de mémoire et comprenait un questionnaire de dépistage de l’alzheimer. Un peu plus de 35 % des répondants, d’un âge moyen de 61 ans, présentaient un score laissant envisager une possibilité de démence, peut-on lire dans une dépêche de France-Presse de l’époque.

À titre de comparaison, c’était 22 % de plus que les Américains de 65 ans et plus atteints de l’alzheimer. Même si les chercheurs insistent pour dire, encore là, qu’il ne faut pas tirer de conclusions concrètes, on ne peut plus parler de simples coïncidences.

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