L’eau potable de 10 villes de l’Estrie et de la Montérégie présente des hauts taux de résidus du glyphosate présent dans le controversé herbicide Roundup de Monsanto


Mathieu-Robert Sauvé
Environ 375 000 habitants de 10 villes en Estrie et en Montérégie pourraient avoir consommé de l’eau de leur robinet contenant du glyphosate présent dans le controversé herbicide Roundup.
«Nous ne voulons pas dire aux gens d’arrêter de boire de l’eau du robinet ou de se tourner vers l’eau embouteillée, mais notre enquête démontre que la pluie amène assez de pesticides dans les eaux pour qu’on en retrouve des quantités importantes dans les aqueducs municipaux, et ça, c’est inquiétant», affirme Thibault Rehn, coordonnateur de Vigilance OGM.
L’échantillonnage a été mené en juin et juillet 2023 après les séances d’épandage dans les champs environnants. Les résultats ont montré que l’eau potable de Belœil, Chambly, Farnham, Granby, Napierville, Saint-Jean, Sorel-Tracy, Saint-Hugues, Saint-Hyacinthe et Sutton contient jusqu’à 23 fois la concentration de glyphosate recommandée par l’Europe à la suite des épandages.
Victimes d’un système
«Nous ne voulons pas lancer la pierre aux agriculteurs qui sont victimes d’un système, mais ils utilisent beaucoup trop de pesticides dans leurs champs», reprend M. Rehn. Il mentionne que ce produit représente 44% des ventes de pesticides dans les cultures de maïs et de soya.
Il souhaite que cette enquête mette de la pression sur les élus gouvernementaux afin qu’ils resserrent les normes en matière de pesticides. Il estime que cette question devrait être un enjeu durant la campagne électorale municipale actuelle.
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Depuis son homologation par les autorités canadiennes dans les années 1980, le Roundup de Monsanto est autorisé dans les champs du Québec, et les villes de plus de 5000 habitants doivent faire des analyses d’eau potable tous les trois mois pour en détecter des résidus. Vigilance OGM déplore que les analyses soient trop permissives.
Le seuil toxicologique permis au Québec est de 210 microgrammes par litre (μg/L). Les résultats des échantillons d’eau potable démontrent une contamination qui se situe entre 2,0 et 2,5 μg/L de glyphosate – soit de 20 à 25 fois la norme européenne de qualité de l’eau potable.
Outils disponibles
Sébastien Sauvé, professeur titulaire de chimie environnementale à l’Université de Montréal, qui a mené les analyses, déplore dans le communiqué que Québec contourne les méthodes les plus avancées de détection des pesticides afin de conclure à leur innocuité.

«C’est un peu comme regarder avec des lunettes quand on devrait prendre un microscope. Les procédures actuelles invisibilisent la présence des pesticides», déclare M. Sauvé. À son avis, «les bons outils analytiques sont disponibles».
Deux des villes mentionnées dans l’étude rendue publique lundi ont répondu aux questions du Journal. La Ville de Saint-Jean-sur-Richelieu tient à rassurer la population. L’eau provenant de son réseau d’aqueduc «demeure sûre à la consommation. Elle est soumise à un contrôle rigoureux et à des analyses régulières qui respectent les normes les plus strictes de la Santé publique».
La Ville de Sutton affirme de son côté que l’eau de son réseau respecte les normes canadiennes, «mais qu’une réflexion pancanadienne doit être menée, laquelle devra tenir compte des recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé et des mesures prises par d’autres pays, notamment européens» en matière de seuils acceptables. Un comité sur l’usage des engrais et pesticides vient de remettre un rapport au conseil municipal qui pourrait adopter de nouvelles mesures.
La direction de la santé publique régionale n’avait pas répondu à nos demandes d’entrevue en fin d’après-midi.