«Cette histoire m’a fait vieillir de 10 ans»: Léa Clermont-Dion publie l'enquête autobiographique «Porter plainte»

Mélissa Pelletier
Après avoir porté plainte pour agression sexuelle contre son ancien patron Michel Venne le 26 octobre 2017, Léa Clermont-Dion prend la plume pour mieux comprendre «le gros paquebot» qu’a été l’éprouvant procès au terme duquel son agresseur a été reconnu coupable.
«Cette histoire m’a fait vieillir de 10 ans, j’ai perdu beaucoup d’illusions», souffle Léa Clermont-Dion, 32 ans, qui fait paraître l’enquête autobiographique Porter plainte, mardi.
Le procès a été «définitivement un second traumatisme, le fait de ne pas être crue au préalable», affirme l’auteure, documentariste et docteure en science politique qui a mis sept ans à pondre son livre.
De la plainte contre Michel Venne en plein mouvement #MeToo en 2017 – neuf ans après les faits survenus lorsqu’elle avait 17 ans – au verdict de culpabilité en 2021, on suit la jeune femme entre passages plus intimes et faits entourant la culture du viol et le système de justice.
On y découvre aussi ceux qui ont participé à son processus judiciaire, des personnes qui ont voulu la faire taire – dont Lise Payette qui l’a incitée à signer une lettre démentant l’agression – aux précieux alliés, «des personnes magiques», dit Mme Clermont-Dion.

Reprendre sa parole
Léa Clermont-Dion tient à préciser que son ouvrage «n’est pas le procès d’un procès».
«J’ai tenté de mettre des mots sur l’indicible, de comprendre ce qui s’est passé. Quand on regarde de loin un procès pour agression sexuelle, ça a l’air glauque et dramatique. Et ce l’est. Mais comment?
«Moi, je me sentais vraiment impuissante», confie la jeune femme par rapport à son processus judiciaire.
Elle raconte avoir versé quelques larmes au procès. «Moi qui ne pleure jamais», peut-on lire dans les pages de Porter plainte. «Je ne voulais pas inquiéter mes proches... Surtout en ayant des enfants dans ce processus-là... Je ne voulais pas les affecter», raconte la maman d’Elio, quatre ans, et Nina, trois ans.
«L’écriture a été merveilleuse pour ça, un vrai exutoire. Elle a permis une reprise de pouvoir, de ma parole», confie-t-elle.
Vulnérable
Ici et là dans Porter plainte, on ressent la vulnérabilité de Léa Clermont-Dion. On est avec elle lorsqu’elle se lève, transie, le matin du procès. On assiste à sa tristesse dans la salle d’audience.
«J’ai fait le choix de garder ces moments de vulnérabilité. Je ne voulais pas censurer ça», confie-t-elle. «J’ai aussi eu des moments de colère, d’hostilité, mais je ne voulais pas rester là-dedans.»
Il y a la vie, aussi, qui palpite au fil des mots. «Il faut changer les couches et aller chercher les enfants à la garderie. Ça m’a permis de m’accrocher à la vie».
Aujourd’hui, Léa Clermont-Dion semble sereine. «Quand je feuilletais mon livre, je sentais que c’était moi et pas moi, en même temps. Je suis tout à fait détachée de la situation», explique-t-elle. «Je trouve dommage qu’il n’y ait pas eu d’excuses, de reconnaissance de tort, ajoute-t-elle, mais j’ai fait la paix avec ça.»
Porter plainte de Léa Clermont-Dion sera disponible le 24 octobre.