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L'article provient de Le Journal de Montréal
Techno

Le Zéphyr: l’avion électrique qui remplace des satellites

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Photo portrait de Normand Lester

Normand Lester

2022-07-10T04:00:00Z
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Un avion espion solaire électrique expérimental, le Zéphyr S d’Airbus, a décollé le 15 juin dernier de la base militaire de Yuma Proving Ground, en Arizona, selon le site spécialisé dans les questions militaires The Drive. Et il pourrait bien être toujours en vol.

Lors de son vol inaugural de juillet 2018, le Zéphyr S a établi un nouveau record du monde d’endurance de 26 jours homologué par la Fédération Aéronautique Internationale.

Il reste à confirmer que le vol actuel durera encore plus longtemps et établira un nouveau record.

Plusieurs versions du Zéphyr ont été testées par l’armée et la marine des États-Unis. 

La dernière, le Zéphyr S, a réalisé des vols atteignant 76 100 pieds d’altitude, un autre record mondial pour un drone électrique. 

C’est pourquoi Airbus parle d’un HAPS (High-Altitude Pseudo-Satellite)

Seuls les célèbres avions-espions américains U-2 et SR-71 ont atteint de telles altitudes (voir plus bas).

Ce « pseudo-satellite » a ceci de particulier : il a un poids extraordinairement faible pour une envergure de 25 mètres (82 pieds), il pèse seulement de 65 à 75 kilos (de 143 à 165 lb) selon l’électronique embarquée. 

Ses ailes en mylar et en fibre de carbone sont complètement recouvertes de panneaux solaires lui permettant de recharger en permanence ses 24 kg de batteries lithium-soufre, soit environ le tiers de son poids total. 

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Son fuselage, un mince tube cylindrique, se termine par un nez bulbeux qui contient son avionique et ses systèmes d’acquisition et de transmission de données.

Premier drone solaire électrique à atteindre la stratosphère, le Zéphyr S est destiné à accomplir à un coût abordable un vaste éventail de missions militaires et civiles généralement accomplies par des satellites : surveillance terrestre et maritime, reconnaissance, navigation, communications, détection de missiles, renseignement électromagnétique (SIGINT) et veille environnementale.

Le Zéphyr peut relayer des images et des renseignements électromagnétiques aux commandants au sol à une fraction minime du coût d’un satellite militaire en orbite. 

Le drone utilise des capteurs ultraminiaturisés vidéo optiques/infrarouges pour produire des images à haute résolution en temps réel, de jour comme de nuit. 

Il a la capacité de recueillir des données sur des zones couvrant 1000 km2.

Comme un satellite géostationnaire, mais à une altitude mille fois moins élevée (36 000 km contre 26 km), le Zéphyr peut survoler un point fixe au sol pour une durée prolongée. Voler plus près du sol permet à la caméra du Zéphyr de prendre des photos à une résolution de 18 centimètres, alors que les satellites ont environ 30 centimètres de résolution.

Les Zéphyr offrent aussi un net avantage sur les satellites-espions en orbite circumpolaire qui traversent leurs zones cibles deux fois par jour. 

Ils tournoient au-dessus de leur cible, offrant une couverture continue.

Ces quasi-satellites peuvent même remplacer des satellites détruits ou désactivés. La Russie et la Chine développent activement leurs capacités antisatellites. Les systèmes d’observation orbitaux appartenant aux Américains et à leurs alliés font face à des menaces grandissantes.

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Les missions civiles des Zéphyrs

Dans le domaine civil, la publicité d’Airbus affirme que son drone électrique à haute altitude surveillera l’évolution environnementale de la planète, révolutionnant la gestion des incendies de forêt et des déversements d’hydrocarbures.

Pour la sécurité des frontières, le Zéphyr S sera capable de détecter et de suivre les individus les franchissant illégalement et de transmettre leurs coordonnées aux autorités en temps réel.

La capacité des Zéphyrs de compléter ou de remplacer les systèmes satellitaires sera précieuse dans les scénarios postcatastrophes, en particulier lorsque les réseaux cellulaires ou internet traditionnels sont rendus inopérants. Ils peuvent aussi servir de « tours mobiles » aux téléphones cellulaires et 5G, offrant une solution de remplacement aux tours standards dans des zones avec une infrastructure médiocre ou en terrain accidenté.

Voler presque indéfiniment

Les ingénieurs d’Airbus visent 100 jours de vol sans escale et plus pour le Zéphyr. Ils envisagent même d’en rendre l’atterrissage et le décollage facultatifs. Incroyablement, les cellules solaires du Zéphyr peuvent charger suffisamment les batteries de l’aéronef pour le maintenir en l’air presque indéfiniment. La DARPA, l’agence de recherches avancées du Pentagone, a d’ailleurs déjà élaboré les programmes Vulture et SolarEagle, dont l’objectif était de maintenir un aéronef en vol durant cinq ans.

Des essaims de Zéphyr pourraient être lancés lorsque la météo est favorable et « stationnée » dans la stratosphère pour donner aux utilisateurs une grande flexibilité opérationnelle.

Les limitations du Zéphyr

Les Zéphyrs ont l’avantage d’être plus adaptables que les satellites d’espionnage conventionnels, tout en possédant un niveau de persistance en vol bien meilleur que celui des autres drones et des autres avions espions à haute altitude.

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La principale limitation du Zéphyr est sa faible capacité d’emport. Le Zéphyr S est de 30 % plus léger que son prédécesseur, le Zéphyr 7, tout en transportant 50 % plus de batteries, libérant de l’espace pour sa charge utile opérationnelle de 5 kilos (11 livres). C’est très peu par rapport aux 2000 livres du drone espion RQ-4 Global Hawk de Northrop Grumman, la référence des drones militaires.

Le Zéphyr est beaucoup plus lent et moins robuste que les avions-espions à réaction à grande vitesse, mais il compense cela par son endurance. Le Zéphyr pulvérise le Global Hawk de l’US Air Force, qui n’a réussi qu’à voler durant 35 heures sans faire le plein.

De nombreux défis techniques attendent le Zéphyr. Les rayons cosmiques sont une menace pour son électronique. Son altitude de croisière est bien au-dessus des intempéries, mais il est vulnérable aux vents forts et au mauvais temps lors de son ascension et de sa descente.

La propulsion à l’énergie solaire impose des contraintes. La luminosité disponible varie selon la latitude et la date. Les tropiques offrent le plus d’énergie : plus l’appareil est éloigné de l’équateur, moins l’énergie disponible en hiver est importante. Cela ne l’empêche toutefois pas d’accomplir ses missions en hiver. Il a volé en climat hivernal durant 11 jours pour montrer qu’il pouvait fonctionner lors de longues nuits d’hiver. Lorsque le soleil se couche, il doit descendre à 45 000 pieds pour économiser de l’énergie dans un air plus dense.

Une invention franco-britannique

Acquis par la française Airbus en 2013, le Zéphyr a été créé par la britannique QinetiQ au début des années 2000. En avril 2014, le ministère britannique de la Défense a attribué à Airbus un contrat pour la production et l’exploitation de Zéphyr S. Les aéronefs ont été construits dans l’usine d’Airbus de Farnborough, au Royaume-Uni. Certains des essais effectués à partir de l’aérodrome de Wyndham, en Australie, se sont mal terminés. En mars 2019, un Zéphyr S s’est écrasé en raison de conditions météorologiques extrêmes. Un deuxième s’est disloqué en vol en septembre 2020.  

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UN ZÉPHYR REVU ET AUGMENTÉ

Le Zéphyr T
Le Zéphyr T photo courtoisie, Airbus Defense and Space

Airbus développe actuellement le Zéphyr T à double queue, conçu pour transporter des charges utiles plus importantes. C’est un aéronef plus gros avec une envergure de 33 m et plus lourd, pesant 140 kg. Sa capacité de charge utile de 20 kg est quatre fois celle du Zéphyr S. 


LANCÉ À LA MAIN VERS L’ESPACE

Décollage du Zéphyr S pour un vol d’essai en Arizona.
Décollage du Zéphyr S pour un vol d’essai en Arizona. Photo courtoisie

Les opérateurs de Zéphyr doivent être très prudents lors du déploiement et du lancement de l’aéronef fragile. Au sol, ses ailes se courbent sous leur propre poids. Quelques hommes suffisent pour le lancer à la main en courant, le portant au-dessus de leur tête. La première méthode de déploiement du Zéphyr était un ballon à hélium qui le portait jusqu’à 9000 m (30 000 pieds) d’altitude avant de le libérer.

Les célèbres avions espions U-2 et SR-71

  • Le U-2 est l’un des rares avions à servir l’aviation américaine depuis plus de 50 ans. Il y a encore 31 U-2 opérationnels dans l’USAF. Ils vont subir une mise à niveau qui pourrait les faire voler pendant encore 30 ans. Les U-2 ont pris part aux conflits d’Afghanistan et d’Irak et ont soutenu plusieurs opérations multinationales de l’OTAN. Durant la guerre froide , les U-2 ont accompli des missions d’espionnage au-dessus de l’Union soviétique, de la Chine, du Vietnam et de Cuba. En 1960, Gary Powers a été abattu dans un U-2 de la CIA au-dessus de l’Union soviétique par un missile sol-air. Un U-2 piloté par le major Rudolf Anderson a aussi été abattu au-dessus de Cuba lors de la crise des missiles de 1962. Ces revers avaient amené le Pentagone à s’intéresser au développement de drones à haute altitude. Le U-2 subsonique a une autonomie de 11 280 km et peut atteindre 70 000 pieds (21 000 mètres)
Le U-2
Le U-2 Photo d'archives, AFP
  • Le SR-71 Blackbird, conçu pour remplacer le U-2, pouvait voler à plus de 3500 km/h (l’avion le plus rapide au monde) à plus de 25 000 mètres (82 000 pieds) d’altitude. Il a été mis à la retraite par l’US Air Force en 1998. Lockheed Martin lui développe actuellement un successeur, le SR-72, un drone hypersonique destiné à des missions de reconnaissance et de combat. Il sera en partie réalisé par imprimante 3D. Premier vol prévu pour 2025. Le SR-72 volerait à Mach 6 ou 7408 km/h.
Le SR-71 Blackbird
Le SR-71 Blackbird Photo courtoisie, US Air Force
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