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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Le vouvoiement obligatoire à l’école: «Pas besoin d’avoir un ministre pour me dire quoi faire»

Photo d’archives
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Photo portrait de Daphnée  Dion-Viens

Daphnée Dion-Viens

2025-05-02T16:04:54Z
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Plusieurs profs ne digèrent pas l’imposition du vouvoiement dans les écoles, qui ne représente pas une solution à un problème bien réel, selon une grande majorité d’entre eux. 

Depuis que le ministre Drainville a annoncé jeudi que le vouvoiement deviendra «la norme» dans toutes les écoles québécoises (voir détails plus bas), le sujet divise les enseignants.

Certains y sont favorables, d’autres s’y opposent, mais plusieurs s’offusquent de constater que le ministre s’immisce dans la relation prof-élève.

«Je n’ai pas besoin d’un ministre pour me dire quoi faire à ce propos», lance Sylvain Bérubé, un enseignant de français d’une école secondaire de Québec qui estime que le vouvoiement «est loin d’être une panacée».

«On peut très bien envoyer promener quelqu’un en le vouvoyant», souligne-t-il.

Une solution pour 6% des profs

Une majorité de profs partage son avis, selon un sondage réalisé l’an dernier par la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE), auquel ont participé plus de 7000 membres.

Seulement 6% considèrent que le vouvoiement est une mesure susceptible de réduire les incivilités dans leur école.

«J’ai pas besoin que les élèves me vouvoient pour qu’ils soient polis, affirme Michèle Henrichon, enseignante dans une école primaire de Montréal. Le respect, ça s’apprend autrement: par l’exemple, par la façon dont on parle aux enfants et comment on les fait se parler entre eux. Ce n’est pas un mot qui change le fond.»

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Une de ses collègues en a d’ailleurs discuté en classe vendredi matin, avec ses élèves de cinquième année. «La majorité de mes élèves sont contre. Ils ne comprennent pas trop pourquoi. Mes élèves me tutoient et je n’ai pas de problème de respect», affirme l’enseignante Marisa Thibault.

Sans s’opposer au vouvoiement, la FSE considère que le ministre Drainville va trop loin en imposant cette directive qui touche la relation prof-élève. «Il fait un pas de trop. Le ministre devrait donner des orientations, pas faire de la microgestion», affirme son président, Richard Bergevin.

Sur les réseaux sociaux, les commentaires abondent. Des enseignantes de maternelle affirment notamment qu’il est «hors de question» qu’elles vouvoient leurs petits cocos en classe.

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

De «beaux vœux pieux»

Même si le vouvoiement sera inscrit noir sur blanc dans les codes de vie de l’école, cette directive ne fera pas une grande différence, selon la Fédération autonome de l’enseignement.

«Ça va faire de beaux vœux pieux sur papier, mais ce serait assez étonnant qu’on se mette à discipliner les élèves sur le vouvoiement... Il y a déjà pas mal de comportements plus graves que l’on n’arrive pas à gérer», affirme sa présidente, Mélanie Hubert.

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Les équipes d’interventions spécialisées, qui donneront un coup de main dans les écoles où les situations de violence sont particulièrement problématiques, représentent une avenue plus prometteuse, selon la FAE.

«La vraie question, c’est comment se fait-il que les écoles n’arrivent pas à implanter correctement les plans de lutte contre la violence et l’intimidation?» ajoute Mme Hubert.

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement provincial veut ramener le vouvoiement dans les écoles. Dans un discours d’ouverture à l’Assemblée nationale, en février 2011, le premier ministre Jean Charest avait aussi souhaité que le vouvoiement soit instauré dans toutes les écoles québécoises.

Les mesures annoncées pour renforcer le civisme à l’école

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a présenté jeudi son plan pour ramener davantage de civisme et de respect dans les écoles québécoises : en plus de l’interdiction complète du cellulaire à l’école, le vouvoiement «deviendra la norme» dans toutes les écoles québécoises. Voici un aperçu des autres mesures annoncées.

Vouvoiement dans toutes les écoles

Le vouvoiement envers les membres du personnel scolaire sera imposé dans toutes les écoles, qu’elles soient publiques ou privées. Les élèves devront aussi s’adresser aux membres du personnel scolaire en utilisant les formulations « madame» et «monsieur».

«Ça marque le respect pour la fonction, ça marque le respect pour l’adulte», a déclaré le ministre. Il s’agit d’une mesure qui, additionnée à d’autres, «va finir par créer cette culture du respect et du civisme que nous voulons instaurer dans les écoles», a-t-il ajouté.

Les écoles devront modifier leur code de vie en conséquence et ces mesures deviendront obligatoires au plus tard en janvier 2026.

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Il s’agit de changements «assez majeurs» puisque le vouvoiement n’est présent que dans une minorité d’écoles présentement, indique la Fédération québécoise des directions d’établissement, qui y voit une «petite révolution», tout en se préoccupant de l’ingérence du ministre «dans beaucoup de choses dans l’école».

Des sanctions à définir

Les codes de vie des écoles devront aussi inclure d’autres règles de vie commune, afin que les élèves soient plus respectueux les uns envers les autres. Des sanctions devront être appliquées selon la gravité des gestes commis, indique le ministre, pouvant aller d’un avertissement jusqu’à l’expulsion de l’élève. Des gestes réparateurs «seront aussi demandés aux élèves intimidateurs», afin qu’ils prennent conscience des conséquences de leurs gestes. Le ministre Drainville assure toutefois que les écoles auront la marge de manœuvre nécessaire pour déterminer ces sanctions. «Il faut laisser de la latitude aux écoles», a-t-il affirmé.

Équipes d’interventions pour aider les écoles

Le ministre Drainville a par ailleurs annoncé la création d’équipes d’interventions spécialisées – un peu comme des «SWAT teams», a-t-il précisé – composées d’experts qui pourront venir en aide ponctuellement aux écoles qui sont aux prises avec de graves problèmes de violence. Une somme de 2,3 millions, permettant près d’une cinquantaine d’interventions par année, est disponible. Le ministère travaille présentement avec sept écoles qui ont déjà manifesté leur intérêt pour du renfort, alors qu’une première équipe sera déployée sous peu.

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