Le vol du Louvre en rappelle un d’ici


Normand Lester
Le spectaculaire cambriolage de huit «joyaux de la couronne de France» au musée du Louvre de Paris – le plus grand musée du monde – a un retentissement international.
C’est l’occasion de rappeler les circonstances d’un autre cambriolage extraordinaire de musée, qui s’est déroulé ici à Montréal en 1972, et qui est, 53 ans plus tard, toujours entouré de mystère.
C’est le vol d’œuvres d’art le plus important de l’histoire du Canada. Le magazine National Geographic le présentait comme un des plus importants vols d’œuvres d’art du 20e siècle.
Le Musée des beaux-arts de Montréal était en rénovation durant le week-end de la fête du Travail de 1972. Dans la nuit du 4 septembre, trois cagoulards montent sur le toit. Par un puits de lumière en réparation non verrouillé dont le système d’alarme est désactivé, ils descendent dans le musée, où ils maîtrisent les gardiens de sécurité. Parfaitement renseignés sur l’emplacement des œuvres les plus chères, ils commencent à s’en emparer.
Bijoux plein les poches
Un des truands s’emplit aussi les poches de bijoux pris dans un présentoir. Un autre brise une vitrine et s’empare de petits objets d’art. Tout à coup, le bruit strident d’une sonnette d’alarme, déclenchée par inadvertance par un des voleurs, se fait entendre. Craignant l’arrivée imminente de la police, ils abandonnent plus de la moitié des tableaux qu’ils avaient entassés près de la sortie. Ils fuient avec 18 toiles et 39 bijoux.
Parmi les tableaux volés figurent des œuvres de Rembrandt, Rubens, Gainsborough, Delacroix, Le Tintoret, Corot, El Greco et Daumier. La réclamation du musée auprès de ses assureurs est de 1 943 000$.
Lorsque j’ai étudié le vol, un enquêteur spécialisé m’a expliqué qu’à son avis, la rançon était le mobile. Effectivement, les truands prendront contact avec le musée. Pour établir leur crédibilité, ils déposeront dans un endroit convenu un tableau de Bruegel l’Ancien volé. Surprise! Le musée s’est aperçu que son tableau n’était pas un authentique Brueghel. Les cambrioleurs avaient donc une fine connaisseuse d’arts pour les conseiller.
Dans une autre tentative pour établir le contact, une somme de 10 000$ leur sera versée, sans résultat. Depuis ces approches de 1973, les cambrioleurs ne se sont jamais plus manifestés. Du moins, c’est ce que j’en sais.
Toiles volées: valeur de 100 M$
Les toiles volées il y a 53 ans, si elles sont authentifiées, valent maintenant plus de 100 millions $. Elles appartiendraient légalement aux assureurs, dont le groupe Lloyds de Londres, qui a agi à la fois comme assureur primaire et réassureur et qui semble avoir assumé les pertes les plus importantes.
Cette affaire me fascine toujours. La piste la plus intéressante que j’ai suivie voulait que les toiles aient été transportées en Europe à bord d’un voilier. En Italie, elles auraient fait l’objet d’une transaction qui aurait causé des frictions entre des mafieux italiens et la mafia montréalaise derrière le vol. Mais je n’ai jamais pu aller au bout de ces allégations faute d’informations confirmatives fiables.