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L'article provient de Le Journal de Montréal
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Le tueur en série «Le Serpent» sort de prison et se dit «innocent»

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2022-12-23T11:04:37Z
2022-12-23T15:58:14Z
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Le tueur en série français Charles Sobhraj, lié à au moins une vingtaine de meurtres en Asie dans les années 1970 et qui a inspiré la série Netflix «Le Serpent», a été libéré vendredi de sa prison népalaise et immédiatement transféré vers la France où il est attendu samedi matin.

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Dans l’avion, Charles Sobhraj, 78 ans, s’est entretenu avec le journaliste de l’AFP auprès de qui il s’est dit «innocent».

«Je vais bien. J’ai beaucoup de chose à faire. Je dois poursuivre de nombreuses personnes en justice, y compris au Népal», a-t-il affirmé dans cet entretien exclusif à l’AFP. Interrogé pour savoir s’il avait été décrit à tort comme un tueur en série, il s’est exclamé : «oui! oui!»

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«Lorsque je suis entré en prison, je n’avais rien fait», a-t-il affirmé. «Je suis innocent dans tous ces dossiers, ok ? Je ne dois donc pas me sentir mal ou bien pour ça. Je suis innocent. Tout a été bâti sur de faux documents».

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«Le juge, sans interroger le moindre témoin (...) et sans permettre à l’accusé de présenter le moindre argument, a écrit le verdict», a-t-il ajouté.

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L’avion dans lequel il a pris place en compagnie du journaliste de l’AFP est attendu à Paris, via Doha, samedi matin.

La Cour suprême du Népal qui a décidé sa remise en liberté mercredi, a affirmé que Charles Sobhraj avait besoin d’une opération à cœur ouvert et que cette décision était conforme à une loi népalaise autorisant la libération des prisonniers alités ayant déjà purgé les trois quarts de leur peine.

Elle a ordonné que le tueur en série, emprisonné dans cette république himalayenne depuis 2003 pour le meurtre de deux touristes nord-américains, soit expulsé dans les 15 jours vers la France.

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Encadré par des policiers portant des gilets pare-balles Charles Sobhraj, portant un masque médical, un chapeau marron et un manteau bleu, le tueur en série n’avait fait aucun commentaire à la foule de journalistes qui l’attendait à sa sortie de prison.

«Le gouvernement du Népal veut le renvoyer dès que possible. Sobhraj le veut aussi», avait précisé son avocat Gopal Shiwakoti Chintan, qui avait précisé lui avoir pris un billet sur Qatar Airways, partant à 18H00 (12H15 GMT).

Le tueur en série devait initialement être libéré jeudi mais sa libération a été retardée d’un jour en raison de problèmes logistiques et juridiques.

Suave et sophistiqué 

Avant l’annonce de son transfèrement, le ministère français des Affaires étrangères avait de son côté fait savoir que la France l’accueillerait si une demande d’extradition lui était «notifiée».

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Dans ce cas, «la France serait tenue d’y faire droit puisque M. Sobhraj est un ressortissant français», avait expliqué une porte-parole de ce ministère.

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Citoyen français de mère vietnamienne et de père indien, Charles Sobhraj a commencé à parcourir le monde au début des années 1970 et s’est retrouvé dans la capitale thaïlandaise, Bangkok.

Se faisant passer pour un négociant en pierres précieuses, il se liait d’amitié avec ses victimes, souvent des routards occidentaux sur la piste des hippies des années 1970, avant de les droguer, de les voler et de les assassiner.

«Il méprisait les routards, de pauvres jeunes drogués. Lui se voyait en héros criminel», confiait en 2021 à l’AFP la journaliste australienne Julie Clarke, qui l’a interviewé.

Surnommé le «tueur au bikini» en 1975 après la découverte du corps vêtu d’un seul bikini d’une Américaine sur une plage de Pattaya en Thaïlande, cet homme suave et sophistiqué a été lié à plus de 20 meurtres.

L’autre surnom de Charles Sobhraj, «Le Serpent», lui vient de sa capacité à prendre d’autres identités pour échapper à la justice. Il est devenu le titre d’une série à succès réalisée par la BBC et Netflix qui s’inspire de sa vie.

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«Meurtrier diabolique» 

Arrêté en Inde en 1976, il a passé 21 ans derrière les barreaux, marqués par une brève évasion en 1986 après avoir drogué les gardiens de prison. Il avait finalement été recapturé dans l’État indien du Goa.

Libéré en 1997, il s’est retiré à Paris mais a refait surface en 2003 au Népal, où il a été repéré dans le quartier touristique de Katmandou et arrêté.

L’année suivante, un tribunal l’a condamné à la prison à vie pour l’assassinat en 1975 de la touriste américaine Connie Jo Bronzich. Dix ans plus tard, il a aussi été reconnu coupable du meurtre du compagnon canadien de Mme Bronzich.

Nadine Gires
Nadine Gires AFP

Nadine Gires, une Française qui vivait dans le même immeuble que Charles Sobhraj à Bangkok, a dit à l’AFP l’année dernière qu’elle avait trouvé au départ que c’était un personnage «cultivé» et impressionnant.

Mais en fin de compte, «il n’était pas seulement un escroc, un séducteur, un voleur de touristes, mais un meurtrier diabolique».

Le parcours meurtrier de Charles Sobhraj

Les principales dates du parcours du tueur en série français Charles Sobhraj, surnommé «le Serpent», auteur de plusieurs meurtres à travers l’Asie dans les années 1970, libéré vendredi de prison au Népal et transféré vers la France.

Jeunesse délinquante

Né à Saïgon le 6 avril 1944 d’un père indien et d’une mère vietnamienne, Charles Gurmukh Sobhraj hérite de la nationalité française à la suite du remariage de sa mère avec un militaire français.

En 1963, il entame une carrière d’escroc international qui le mènera en Grèce, en Turquie, en Iran, au Pakistan ou en Afghanistan.

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En 1970, Sobhraj s’installe en Inde avec son épouse Chantal Compagnon. Leur fille Madhu y naît le 15 novembre.

Pincé par la police l’année suivante pour le cambriolage d’une bijouterie, il s’enfuit du pays après sa mise en liberté sous caution.

Arrêté en Grèce en 1973, il réussit à s’évader.

«Bikini killer»

En 1975, il débarque en Thaïlande avec la Canadienne Marie-Andrée Leclerc, sa nouvelle compagne et complice.

Installé à Bangkok, sous le nom d’Alain Gautier, il héberge chez lui des touristes de passage et se dit négociant en pierres précieuses.

En octobre, le corps d’une jeune femme est retrouvé sur une plage de Pattaya, vêtue d’un bikini. D’autres victimes suivront, battues, étranglées ou brûlées.

Celui qui sera surnommé le «Bikini killer» utilise les passeports de ses victimes pour de mystérieux voyages, apparemment liés à son trafic de pierres précieuses ou de drogue. Il réussit à fuir le royaume.

Arrêté en Inde

En juillet 1976, il est arrêté en Inde après avoir essayé de droguer un groupe de plus d’une vingtaine de touristes français dans un hôtel de New Delhi.

Il est accusé du meurtre d’un autre touriste français Luc Salomon, retrouvé empoisonné dans un hôtel de Bombay. Il est condamné en 1978 pour ce meurtre mais la décision de justice est cassée deux ans plus tard par la Cour suprême.

En mai 1982, il est condamné à la prison à vie par un tribunal de Bénarès pour le meurtre en 1976 d’un touriste israélien, Alan Jacob, mais acquitté en appel l’année suivante faute de preuves. Condamné par ailleurs, il est maintenu en prison.

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Évasion rocambolesque

Fin 1985, l’Inde décide son extradition vers la Thaïlande, qui le réclame notamment pour les meurtres d’un touriste turc et d’une jeune Américaine, Teresa Knowlton. Il risque la peine de mort.

Pour échapper à cette extradition, Sobhraj s’évade en mars 1986 après avoir offert à ses gardiens des bonbons et des gâteaux mêlés de somnifères.

Au terme de 22 jours d’une vaste chasse à l’homme, il est arrêté dans un restaurant de Goa (ouest de l’Inde).

L’évasion du criminel - accusé d’au moins quinze meurtres dans dix pays - entraîne de nouvelles poursuites et fait traîner la procédure d’extradition

À sa libération, en 1997, des geôles indiennes dans lesquelles il a passé plus de 20 ans, ses crimes présumés sont prescrits en Thaïlande.

La France puis le Népal

Charles Sobrahj rentre libre en France où il vit jusqu’en 2003. Puis il repart au Népal pour monter sous une fausse identité une affaire d’exportation de châles.

Rapidement reconnu et arrêté à Katmandou pour les meurtres en 1975 de deux touristes, un Canadien, Laurent Armand Carriere et une Américaine, Connie Bronizch, il est condamné à perpétuité en août 2004.

Libération

Le 21 décembre 2022, la justice népalaise ordonne la libération du tueur en série pour raisons de santé. Deux jours plus tard, il quitte sa prison de Katmandou et décolle à bord d’un avion dans lequel il doit être transféré vers la France.

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